« La démocratie ne peut pas vivre sans médias variés, libres et indépendants »

Le Commissaire européen Johannes Hahn a affiché sa fermeté envers tous ceux qui menacent les journalistes dans le monde. Photo : Lucas Beulin.

C’est Johannes Hahn, Commissaire européen à l’élargissement et à la politique européenne de voisinage, qui a officiellement clôturé ces Assises de Tunis. Après être revenu sur les grands enjeux actuels de la profession, il a évoqué le climat que doivent affronter les journalistes et affiché toute la fermeté de l’Union européenne vis-à-vis de l’affaire Khashoggi notamment.

Johannes Hahn a officiellement mis fin aux Assises de Tunis 2018 en prononçant un discours d’une dizaine de minutes. Devant une salle Omar Khlifi comble, il a dressé le portrait de la profession avant de revenir sur les grands enjeux qu’elle traverse avant de condamner fermement les menaces et violences dont les journalistes font l’objet. Retour sur les moments forts de son intervention.

Rappel du rôle fondamental des médias

« Ces Assises sont une véritable étape pour les médias dans la région. Cela va nous permettre de partager et de poursuivre le développement des médias indépendants. La démocratie ne peut pas vivre sans médias variés, libres et indépendants. Ils sont un pilier de la démocratie et du développement de sociétés résilientes. Il est regrettable que les journalistes doivent faire face à un espace d’expression qui se rétrécit et à un environnement hostile. »

Panorama des enjeux actuels du journalisme

« Le journalisme est dans une phase de changement. Les choses changent à grande vitesse avec internet notamment. À l’ère des fake news, l’information erronée devient monnaie courante. Le journalisme indépendant et la vérification de l’information sont la clé. La révolution digitale a changé nos économies. Il est très important que les médias restent à jour et jouissent autant que possible de leur indépendance. L’Union européenne est en train de promouvoir, à travers des programmes, une information de qualité. La plateforme Med Média a été créée pour la liberté des médias et pour s’ériger contre les discours de haine. »

Condamnation des violences contre les journalistes

« L’Union européenne va continuer à soutenir le secteur des médias, à promouvoir et protéger la liberté d’expression ainsi que la liberté de la presse. Le contexte actuel est marqué par des attaques physiques contre les journalistes dans le monde, et même dans l’Union européenne, alors que que l’on croyait cela impossible. On ne parle pas seulement de violences mais aussi de meurtres. Je suppose que celui de Khashoggi n’est pas un cas isolé. Il faut découvrir qui sont les meurtriers et instigateurs de cet assassinat. La responsabilité de chacun doit être clarifiée, les responsables doivent être traduits en justice et condamnés. »

L’UE soutient et remercie la profession

« Il faut une protection pour les professionnels de l’information. Les journalistes critiques ne doivent pas être considérés comme des menaces mais comme les constructeurs d’une nouvelle société. Nous allons protéger vos intérêts. Merci beaucoup pour tout ce que vous avez fait, dans l’optique d’une société beaucoup plus informée. Vous ne travaillez pas toujours dans des conditions faciles. Je vous souhaite le meilleur. »

Recueilli par Clément Argoud

 

Les 9 choses à retenir des Assises de Tunis

A l’issue de ces Assises, le bilan semble positif du côté de l’organisation. Avec une belle affluence pendant trois jours, l’événement semble avoir répondu aux attentes. Voici les neuf choses à retenir de cette première édition.

C’est une première édition réussie. Les Assises du journalisme qui se sont tenues du 15 au 17 novembre à Tunis – une première hors de France – ont rencontré un succès tant du côté des professionnels que des particuliers qui ont arpenté pendant ces trois jours les allées de la Cité de la Culture. Des principales thématiques abordées à l' »appel solennel », voici les neuf choses à retenir de cet événement qui connaîtra une deuxième édition en 2020.

 

1. La question des migrants au cœur de l’actualité

La rencontre a été très représentative de l’objectif de ces Assises : montrer les problématiques communes entre les journalistes de différents pays. On peut ainsi souligner l’utilité du débat d’ouverture, qui a rendu possible la confrontation de plusieurs points de vue.

Retrouvez ici l’interview d’Alessandra Coppola, autour de la conférence : « Médias et migrants, quel regard de chaque côté de la Méditerranée ? »

2. Des acteurs variés

Au delà des journalistes, les Assises sont aussi un lieu de rencontre entre les différents acteurs qui font l’actualité. Une conférence a fait la part belle aux startupers, blogueurs et youtubeurs. La question de la relation entre les ONG et les journalistes a également été posée. En résumé, l’événement tente de s’éloigner d’un corporatisme qui peut parfois toucher les journalistes.

Retrouvez ici l’article autour de la collaboration entre les ONG et les journalistes

3. S’informer sur les nouveautés pour les journalistes

Drones, caméras à 360°, réalité virtuelle… L’événement permet de voir et de comprendre les nouveaux outils utilisés dans les rédactions. Les pratiques journalistiques novatrices, comme le fact-checking, ont également été au cœur de certains débats.

Retrouvez ici l’interview avec Peter Cunliffe-Jones, créateur du site de fact-checking Africa Check, et là l’article sur l’utilisation des drones sur les zones de guerre par les journalistes.

4. Un événement mondial

Avec 500 journalistes et trente pays représentés, cette première édition des Assises de Tunis fut un lieu de rencontre unique pour les acteurs du monde de l’information. Comme l’explique Jérôme Bouvier, il n’y a « pas de frontière entre les journalistes. Ils font un même métier, et partagent les mêmes valeurs. »

Retrouvez ici l’interview de Jérôme Bouvier

5. La Cité de la Culture

La Tunisie s’est présentée sous son meilleur jour en accueillant journalistes, conférenciers et visiteurs au sein de cet immense bâtiment. Et malgré le débat qu’a pu susciter sa construction, la majorité des participants aux Assises semblaient plus impressionnés qu’autre chose. Un bon point pour la Cité de la Culture, ouverte il y a quelques mois.

Retrouvez  ici l’article sur la Cité de la Culture, un projet titanesque qui suscite le débat

6. La parole à monsieur Tout-le-monde

Ces assises auront également été l’occasion d’entendre les plus discrets. De nombreux ateliers mettant en avant le journalisme citoyen se sont tenus durant ces trois jours d’Assises. Une initiative louable, tant ces personnes sont habituellement considérées comme des soldats invisibles de l’information.

Retrouvez ici l’article sur les blogs citoyens, ces supports qui donnent la parole à ceux qui ne l’ont pas

7. L’éducation au cœur de l’événement

Ces Assises ont mis en lumière les étudiants et les formateurs. D’une part, l’Ecole publique de journalisme de Tours (Epjt) et l’Institut de presse et des sciences de l’information (IPSI) ont couvert l’événement pendant trois jours, publiant leur contenu sur le magazine La Feuille, mais aussi via leur site internet. D’autre part, de nombreux professeurs ont donné des conférences, notamment sur l’utilité de sensibiliser les jeunes aux médias.

Retrouvez ici la vidéo croisée entre Nicolas Sourisce, directeur de l’école de journalisme de Tours, et Hamida el Bour, directrice de l’IPSI

8. Il y aura un épisode 2

En clôture des Assises internationales du journalisme de Tunis, les organisateurs ont annoncé qu’il y aurait bien une deuxième édition de ce rendez-vous journalistique. Il aura lieu en octobre 2020, toujours à Tunis donc. On ne connaît en revanche pas, pour l’heure, le lieu précis de l’événement.

Retrouvez ici l’article sur la clôture de ces Assises

9. « L’appel solennel » des journalistes en clôture des Assises

Lors de la dernière conférence, les journalistes ont adressé un « appel solennel » aux « dirigeants politiques, aux responsables économiques, aux représentants des syndicats, aux associations et à la société civile. » Ils demandent que la liberté d’expression et la liberté de la presse soient défendues dans leurs pays comme un bien fragile et précieux ».

Dans ce message commun, ils appellent notamment les Etats à « garantir le libre accès aux informations et données publiques » ou encore « la reconnaissance dans tous les pays d’un véritable statut pour les journalistes ».

Retrouvez ici l’appel en intégralité ici

 

« Prendre des engagements sur la durée pour échanger »

Lors de la clôture officielle des Assises de Tunis, Elisabeth Guigou a indiqué son intention d’inscrire cet événement dans la durée, au sein de la capitale tunisienne. Photo : Wikipedia Commons.

Elisabeth Guigou, présidente de la Fondation pour le dialogue des cultures euroméditérranéennes, a souligné la volonté commune d’inscrire ces Assises de Tunis dans la durée. Avec, dès 2020, une deuxième édition.

 

Elisabeth Guigou : « Bravo d’avoir réussi à rassembler autant de journalistes et de professionnels des médias pendant trois jours. La Fondation s’est intéressée aux médias depuis le début car ils sont un vecteur essentiel du dialogue interculturel, ce qui est au cœur de notre mission. Je suis très heureuse de construire un partenariat pour préparer les prochaines Assises d’octobre 2020, afin de soutenir et diffuser votre appel. L’important est de prendre cet engagement sur la durée pour échanger, dans les rôles qui sont les nôtres. »

Recueilli par Clément Argoud

« Beaucoup de projets ont pu naître pendant trois jours »

Avant d’introduire les allocutions officielles, Jérôme Bouvier a dressé en quelques phrases le bilan de cette édition tunisienne 2018. Photo : Lucas Beulin.

Le Président des Assises du journalisme a conclu officiellement cette édition tunisienne et en a dressé le bilan. Rendez-vous est donné en octobre 2020, toujours à Tunis, pour poursuivre la réflexion.

Jérôme Bouvier : « Beaucoup de projets qui ont pu naître pendant trois jours. Les échanges ont été riches et fantastiques. Beaucoup de fleurs ont commencé à s’épanouir. On peut citer la création du réseau de journalistes d’investigation des deux rives de la Méditerranée, celle de Hack/Hackers Euromed, ou encore le partenariat entre l’IPSI et l’EPJT. Nous avons toujours l’utopie de créer un jour une villa Albert Camus du journalisme, qui permettrait d’échanger entre confrères et consœurs francophones. Je tiens à remercier l’Union européenne sans qui la tenue de ces Assises n’aurait pas été possible Nous nous engageons à le poursuivre sur la durée, avec une deuxième édition en 2020. »

Recuilli par Clément Argoud

Jérôme Bouvier : « Pas de frontières entre les journalistes, un même métier, des mêmes valeurs »

À l’issue des Assises de Tunis, Jérôme Bouvier, fondateur et organisateur de l’événement nous livre son ressenti. Photo : Lucas Beulin.

Au terme des 1ères Assises internationales du journalisme de Tunis, Jérôme Bouvier, président de Journalisme & Citoyenneté et fondateur des Assises du Journalisme, est un homme heureux. Il nous livre son sentiment.

« C’était compliqué de monter ce grand événement, de trouver les partenaires pour nous suivre dans ce pari. J’ai eu beaucoup d’échos positifs au cours des trois jours. Ce qui m’a le plus frappé lors de ces Assises de Tunis, c’est une formidable énergie et une formidable diversité. 800 journalistes de 30 pays étaient réunis. On y a vu la réalité de notre métier. Et malgré les difficultés qui sont énormes, une envie de parole et d’échange toujours intacte. Il ne faut pas que des frontières se dressent entre les journalistes. Nous avons un même métier, des mêmes valeurs. Tous ces journalistes nous ont d’ailleurs encore fait voir leur appétit pour lancer des projets. Je suis toujours autant fasciné par l’envie de tous et cela donne envie de continuer l’aventure. Donc, rendez vous désormais en mars 2019 à Tours, avant une deuxième édition des Assises de Tunis à l’automne 2020. »

Aux Assises, naissent trois belles initiatives

 

Annonce de la création d’un réseau francophone d’investigation

Sandrine Sawadogo, secrétaire de rédaction à l’Economiste du Faso (Burkina Faso) :

« Je vous annonce aujourd’hui la création de « Initiatives Impact Investigation », un réseau francophone de journalistes d’investigation. Il faut du lien, de la collaboration entre journalistes d’investigation. Nous allons mobiliser des moyens financiers, assurer une meilleure diffusion, mais aussi former les journalistes aux techniques d’investigation. Notre projet est soutenu entre autres par RSF, Forbiden Stories, l’AFP… »

Lancement du réseau Hacks/hackers euromed

Antoine Laurent, consultant en stratégie numérique :

« Nous voulons mettre en lien les journalistes et les développeurs web. Ces derniers peuvent aider les journalistes à développer des applications, des infographies, des longs-formats interactifs. Hacks/hackers euromed va servir en somme à développer le journalisme interactif. »

Partenariat entre écoles de journalisme

Laurent Bigot, enseignant à l’École publique de journalisme de Tours (EPJT) :

« Aux Assises de Tunis, des étudiants de l’école publique de journalisme de Tours (EPJT) ont travaillé avec leurs homologues de l’Institut de presse et des sciences de l’information (Ipsi). L’idée est de renforcer le lien et les échanges entre différentes écoles de journalisme. »

Propos recueillis par Romain Pichon

Sur Facebook, les Tunisiens se sont appropriés l’information

Facebook a assurément accéléré le processus de démocratie en Tunisie. Désormais, les locaux sont moins craintifs, et n’hésitent plus à faire valoir leurs libertés.

Depuis la révolution de Jasmin en 2011, le peuple tunisien a décidé de participer de lui-même à l’information. Pour cela, Facebook s’est révélé être leur meilleur allié possible. Et aujourd’hui encore, le réseau social reste incontournable dans la société.

La Tunisie est le deuxième plus grand pays africain utilisateur de Facebook. Avec plus de 55% de la population connectée au réseau social et 6,5 millions d’utilisateurs (selon Medianet Labs), la plateforme est aujourd’hui incontournable dans le quotidien des Tunisiens. Pourtant, quelques mois après la révolution en 2012, ce chiffre plafonnait à seulement 3 millions d’utilisateurs. Comment expliquer alors l’évolution exponentielle des utilisateurs depuis 2012 ? Pour Fatma Star, blogueuse et étudiante au lycée Pierre-Mendès-France au moment des événements de janvier 2011, « la plateforme a permis aux Tunisiens de faire grandir leurs libertés ».

Aujourd’hui encore, beaucoup l’assurent : les manifestations de 2011 n’auraient sans doute pas eu la même ampleur sans les médias sociaux. « Ils ont aidé à mobiliser les foules, à les pousser à surmonter leurs peurs », déclare Mokhtar Ben Henda, maître de conférence en technique de l’information et de la communication spécialisé sur le monde arabe. Romain Lecomte, docteur en sciences politiques et sociales à Liège, souligne lui aussi l’importance qu’a pu avoir Internet, et Facebook en particulier, lors de ces mois de révolte. « La plateforme a été très largement utilisée en Tunisie, pour contrer la censure du gouvernement et la propagande des anciens médias », décrypte-t-il.

« Le média tunisien le plus consulté, c’est Facebook »

Mais pour les Tunisiens, le succès du mouvement en 2011 n’a pas freiné l’élan pour autant. Au sortir de la période de révolution, le peuple n’a pas arrêté de faire valoir ce qu’il avait à revendiquer, là encore par la voie des réseaux sociaux. «  Les Tunisiens aiment beaucoup l’interaction. Les réseaux sociaux offrent cette possibilité de commenter, de discuter et de débattre autour de l’actualité, et c’est pour cela que le nombre d’utilisateurs grandit encore », assure Souhaieb Khayati, de Reporters sans Frontières.

Sept ans plus tard, le pays est donc l’un des plus influents d’Afrique sur les réseaux sociaux, et les médias se doivent de s’adapter à ce public particulier. Larbi Chouikha, professeur à l’Institut de presse et des sciences de l’information, en est conscient. « Aujourd’hui, le média tunisien le plus consulté, c’est Facebook et de loin. Les médias traditionnels n’ont donc pas la même manière d’écrire qu’il y’a huit ans, et le partage des articles sur les réseaux sociaux devient très important dans le processus d’écriture. » Sept ans après la chute de Ben Ali, les Tunisiens sont donc plus actifs que jamais sur les réseaux sociaux. Preuve que la démocratie doit beaucoup à ces nouveaux médias.

Hugo Girard

Indépendance économique et indépendance éditoriale : chacun son interprétation

Omar Belhouchet, Marine Doux, Mathieu Pays, Alia Ibrahim et Malek Lakhal ont débattu de l’indépendance économique des entreprises médiatiques. Photo : Lucas Beulin.

Présentée par Mathieu Pays, directeur de la rédaction de TMV, journal gratuit tourangeau, la conférence sur l’indépendance économique et son lien avec l’indépendance éditoriale a permis d’exposer des points de vues très différents sur ce sujet.

Omar Belhouchet se bat depuis plus de vingt ans pour l’indépendance d’El Watan, le journal algérien qu’il a fondé. Depuis sa création, il a été suspendu huit fois par le pouvoir algérien. Pour gagner en indépendance, le quotidien s’est doté de tous les éléments de la chaîne de production. Tout d’abord, pour contrer le monopole d’État, l’entreprise a mis en place son propre système de distribution, évitant ainsi les marges de l’État algérien.

« Ils ont tout fait pour nous tordre le cou », explique Omar Belhouchet. Dans cet objectif de maîtriser au mieux la production, le journal s’est doté de sa propre rotative, un projet de plusieurs années, avec une machine qui a été bloquée plusieurs mois au port. Même si les ventes du journal baissent et sont passées sous les 100 000 exemplaires, le journal est très peu dépendant d’acteurs extérieurs, contournant ainsi le monopole d’État sur la publicité.

La publicité au cœur du problème

La publicité a été le sujet majeur de cette conférence, elle peut représenter un danger pour l’indépendance éditoriale d’un titre. « Nous avons des bailleurs occidentaux, qui financent certains articles dans une démarche de ciblage, ça crée une forme de colonialisme », regrette Malek Lakhal, journaliste pour le site Nawaat, qui couvre l’actualité du monde arabe.

Malgré tout, ces financeurs étrangers lui permettent de s’affranchir des pressions économiques du pays. « Cela nous permet d’être indépendant face aux Etats, même si ce n’est pas toujours bien perçu, il y a toujours une animosité entre les publicistes et les journalistes. »

Pour Marine Doux de Tank Média, la viabilité économique d’un média est la plus grande priorité, quitte à ce que cela se fasse au détriment de la ligne éditoriale. Dans son incubateur à start-up, même si elle préfère parler de « communauté », l’équipe de Tank Média accompagne des projets éditoriaux dans la recherche de pérennité économique.

Elle propose des formations, des « business plan » notamment en combinant publireportage, du sponsoring pour que le média génère suffisamment de bénéfices. La ligne éditoriale est donc remise au second plan face aux ambitions économiques. La démarche est donc radicalement différente de celle d’Omar Bellouchet pour qui l’aspect financier se mettait au service de la ligne éditoriale.

Lucas Beulin

« Avec 15-38 Méditerranée, nous souhaitons construire des ponts entre les rives de la Méditerranée »

Hélène Bourgon, co-fondatrice de 15-38 Méditerranée, revient sur ses missions et dresse un bilan de son média, deux ans après sa création. Photo : Elise Pontoizeau.

Basé à Marseille et Alger, 15-38 Méditerranée propose, chaque mois, d’aborder une thématique commune entre les sociétés méditerranéennes. Une initiative qui vise à créer un lien entre les différentes rives. Rencontre avec sa co-fondatrice, Hélène Bourgon.

Un site commun à tous les pays qui longent la rive de la Méditerranée. Créé il y a deux ans, 15-38 Méditerranée – comme le point central de la Méditerranée en longitude et latitude – a pour objectif de traiter des questions sociétales « comme l’immigration, la drogue ou encore l’éducation ». Un projet qui est « le fruit d’une réflexion de plusieurs années », nous explique Hélène Bourgon, la cofondatrice du site.

15-38 Méditerranée est sur le point de fêter ses deux ans. Quel bilan faites-vous de ce projet ?

C’est épuisant mais on tient le coup. En seulement un an et demi, nous sommes passés de 10 000 visiteurs à plus de 20 500. Il y a une réelle demande de la part des lecteurs et c’est la plus belle des reconnaissances. Les écoles que nous avons approchées sont également très satisfaites par notre travail et notre approche avec les élèves. Plus que jamais, il est important de maintenir ce lien entre les rives afin de contrer les vagues dangereuses de nationalisme qui se propagent en Europe.

Comment est née l’idée de votre média 15-38 Méditerranée ?

Ce projet est le fruit d’une réflexion de plusieurs années entre différents correspondants et chercheurs. Nous souhaitions éclairer les citoyens sur les problématiques que rencontrent les sociétés méditerranéennes. Nous voulions aborder des questions sociétales, comme l’immigration, la drogue ou encore l’éducation, afin de montrer aux lecteurs que nous partageons tous les mêmes difficultés. D’abord pensé à Beyrouth, notre média a finalement vu le jour en France, en mars 2017. Aujourd’hui, Coline Charbonnier, Justin de Gonzague et moi-même sommes basés à Marseille, tandis que Leïla Berrato se situe à Alger.

Dans quelles mesures votre initiative se distingue-t-elle des autres médias ?

L’idée n’est pas de concurrencer les médias traditionnels mais nous voulons apporter des clés de compréhension et des moyens d’agir pour nos lecteurs français et européens. Les connaissances de tous nos journalistes se sont faites sur le terrain. Je me suis moi-même expatriée six ans au Moyen-Orient pour mieux comprendre et appréhender cette région. Nous souhaitons construire des ponts entre les rives de la Méditerranée, au moment où certains souhaitent construire des murs entre les frontières. La richesse de nos sociétés passe avant tout par le partage des cultures.

« Nous avons fait le choix de rendre notre plateforme gratuite afin d’être le plus accessible possible »

Comment s’organise la rédaction de 15-38 Méditerranée ?

Afin de publier un dossier par mois, nous collaborons avec dix journalistes, photographes et dessinateurs. De nouvelles thématiques sont envoyées par mail et un échange s’établit afin d’éclairer les nombreux angles possibles. Les reporters disponibles partent alors sur le terrain dans le but de réaliser leurs reportages. A côté de cette production, nous nous rendons également dans les écoles et les collèges pour enseigner l’éducation aux médias. Cette mission journalistique est indispensable pour permettre aux jeunes de bien s’informer et de leur inculquer l’importance de ce métier. C’est aussi une manière de rétablir une confiance avec le public.

De quelles manières parvenez-vous à financer vos réalisations ?

Nous permettons aux lecteurs de soutenir ce projet à travers des dons. L’adhésion s’élève à soixante euros par an mais nous proposons également des dons mensuels, de deux à dix euros. Nous venons également de sortir une publication papier, Une année en Méditerranée, vendue en ligne, afin de récolter des fonts pour bien démarrer 2019. Notre campagne de financement participatif nous a permis de très bien tenir durant la première année mais ce modèle économique est difficile car nous n’avons pas assez d’adhérents.

Malheureusement, les médias indépendants ne bénéficient d’aucune aide lorsqu’ils ne sont pas des titres de proximité. Tous nos journalistes sont payés à la pige, c’est pour cela que nous ne pouvons pas nous permettre de proposer dix reportages par mois. Nous avons fait le choix de rendre notre plateforme gratuite afin d’être le plus accessible possible et de toucher un large lectorat, qui s’étend de 18 à 90 ans.

Que représente pour vous cette première édition des Assises internationales du journalisme à Tunis ?

Cet événement est un véritable vivier dans lequel nous avons la chance de rencontrer des journalistes du bassin méditerranéen mais pas seulement. En tant que reporter, croiser la route de journalistes yéménites est d’une richesse incroyable. C’est aussi l’occasion de créer de nouvelles collaborations. Nous avons pour projet de créer un échange via Skype entre des collégiens de Marseille et de Tunis, afin d’aborder différentes thématiques sociétales.

Propos recueillis par Thomas Desroches

Les drones, nouveaux alliés des journalistes de guerre

Les drones sont de plus en plus utilisés sur les zones de guerre, à commencer par les journalistes. (ARIS MESSINIS / AFP)

Initialement destinés aux armées, les drones sont devenus des outils accessibles au grand public. Mais avec l’appropriation de ces aéronefs par les journalistes, ceux-ci reviennent sur leur terrain initial : les zones de conflit.

Et si les drones révolutionnaient le journalisme de guerre ? Déjà utilisés par les armées depuis des dizaines d’années, ces aéronefs ont trouvé avec les médias de nouveaux utilisateurs depuis quelques temps.

Avec la réduction du prix de ce nouvel outil – il est aujourd’hui possible d’en acheter un filmant en très haute résolution pour moins de 1000 euros -, et une praticité améliorée – beaucoup tiennent dans une valisette, et sont pilotables depuis un smartphone –, les rédactions ont vite compris qu’il fallait sauter le pas. « Les drones changent et changeront le traitement médiatique des conflits », assure ainsi Kamel Redouani, documentariste à France Télévisions.

La plus-value apportée par ce nouvel outil est en effet non négligeable d’un point de vue journalistique. Pour Eric Scherer, directeur de la prospective à France Télévisions, l’utilisation d’un drone dans un reportage permet « une variation des plans, mais surtout de raconter l’histoire de manière différente ».

Au plus près des zones de conflit, l’utilisation de drones par les journalistes a effectivement de nombreuses utilités. Grâce à ces nouveaux outils, il est désormais possible de s’approcher au plus près de l’action, en limitant les risques pour les journalistes. Ils permettent aussi d’apporter une autre vision du terrain, avec les prises de vues aériennes. Ce nouvel angle de vue permet une lecture plus facile de l’histoire pour le téléspectateur et lui offre une information mieux contextatualisée.

Une autre vision des conflits

Kamel Redouani loue d’ailleurs l’utilisation des drones sur le terrain, en se basant sur son expérience personnelle. « En filmant un reportage sur la chute de Syrte, on a pu se rendre compte que, lorsque des couloirs étaient ouverts pour faire sortir les femmes et les enfants, les soldats de Daech tiraient sur eux, sur les membres de leurs propres familles. Les drones ont donc permis de voir une autre facette de la réalité », a-t-il assuré lors de la conférence sur les nouveaux outils du journalisme, vendredi, aux Assises de Tunis.

Mais la force de ces nouveaux outils fait également leur faiblesse. Leur capacité à se rendre sur tous les terrains fait d’eux de véritables cibles. Considérés comme une menace, du fait de leur capacité à dévoiler des stratégies, ils sont de plus en plus victimes de tirs, voire de hacking.  « Avec les outils à leur disposition, les forces armées tentent de prendre le contrôle des machines que les journalistes utilisent », explique Eric Scherer. Avec les risques que cela encourt : en dévoilant la position des journalistes, ces derniers pourraient courir un risque pour leur vie.

 « L’image vue du ciel apporte certes de nombreuses opportunités… Mais il reste très difficile de tourner avec des drones », résume Kamel Redouani. La faute à une appropriation pas encore totale de l’outil, et de ses limites. Mais, malgré tout, l’aéronef devrait s’imposer comme l’atout numéro 1 du reporter de guerre dans les années à venir. En attendant, le temps est à l’expérimentation.

Hugo Girard

En Tunisie, le citoyen comme solution

Le projet Youthmore, présenté ici par Arbia Mthlouthi, vise à mettre en lumière les initiatives et les success stories de jeunes tunisiens. Photo : Lucas Beulin.

Le journalisme porteur de solutions peut être l’incarnation du journalisme utile, thème majeur de ces Assises. Invitées de l’atelier « Un journalisme utile porteur de solutions » deux journalistes tunisiennes ont présenté leur approche et les visées de cette pratique.

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En Centrafrique, « la stabilité est due en grande partie à notre radio »

Brice Ndagoui, rédacteur en chef adjoint de radio Ndeke Luke, a évoqué la situation de la Centrafrique. Crédit Photo : FLORENT VERGNES / AFP).

L’atelier intitulé « Action des médias en zone de conflit, quel impact, quelle audience ? » accueillait vendredi matin Brice Ndagoui, rédacteur en chef adjoint de radio Ndeke Luke. Nous lui avons posé quelques questions. 

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Blogs citoyens : donner la parole à ceux qui ne l’ont pas

De gauche à droite : Isam Muntaser, Anas Bendriff, Nordine Nabili, Marie-José Daoud et Cheikh Fall.

À l’heure de l’expansion des réseaux sociaux, les blogs citoyens surfent sur cette vague et de plus en plus de personnes y ont recours pour s’informer. Retour sur la conférence « Blogueurs, youtubeurs, startupers, ils nous informent aussi ».

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Les intérêts diplomatiques au prix de la liberté de la presse

Le classement de Reporters sans frontières, publié en avril 2018, place le Maroc au 135ème rang. Photo : Romain Bizeul

Sur le continent africain, il est parfois difficile pour les journalistes de publier des informations sensibles. Les pressions s’exercent au moindre « faux-pas », parfois même de la part de ceux qu’on ne soupçonne pas.

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« Les journalistes ne vont pas assez vers les ONG et les associations »

Le débat était animé par Rym Ben Mansour, chef des projets de l’Association des médias alternatifs tunisiens.

« Une relation gagnant-gagnant », c’est ainsi qu’est décrite la collaboration entre médias, associations et ONG. Lors du débat « Associations, ONG et journalistes, comment travailler ensemble ? » les invités ont également souligné les efforts qu’il reste à faire.

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Journaliste en Tunisie, une profession qui se féminise

Dorra Bouzid est la figure féminine du journalisme en Tunisie. Photo : Clara Gaillot.

Loin des clichés habituels, les femmes tunisiennes sont plus présentes dans le paysage médiatique. Et, à l’image de certaines, elles ont toute leur place dans les rédactions internationales.

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Traitement des migrations : la grande confusion

Salaheddine Lemaizi, journaliste pour « Les Inspirations » et « Les Ecos », au Maroc, participait à l’atelier. Photo : Clara Gaillot

Depuis le début de la guerre en Syrie, la question migratoire est de plus en plus traitée par les médias du monde entier. Mais puisque les journalistes peinent à accéder aux sources, le sensationnalisme prime souvent sur l’information.

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Drones, réalité virtuelle, écrans tactiles… Cinq outils pour les journalistes de demain

Les journalistes utilisent de plus en plus les nouvelles technologies. A limage de Matthew Waite, journaliste à la Deutsche Welle, avec son drone. Crédit : DW/K. Danetzki.

Depuis l’émergence d’Internet, les moyens de s’informer ont considérablement évolué, rendant l’accès à l’actualité presque universel. Cela contraint les journalistes à s’adapter pour suivre le mouvement, au point de rendre les nouvelles technologies indispensables. Présentation de cinq outils qui feront le journalisme de demain.

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S’unir pour réussir

La coopération entre journalistes du continent africain peut permettre de faire face aux différentes pressions et menaces. Illustration Noé Poitevin

En Afrique, où la liberté de la presse reste parfois un combat, des journalistes choisissent de se regrouper. Si les West Africa Leaks ont eu un écho mondial, nombre d’autres projets peinent à livrer des résultats tangibles.

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La Fondation Hirondelle vole sur tous les fronts

 « Créatrice de médias en zones de conflits, la Fondation Hirondelle joue un vrai rôle au sein des populations locales. Son but ? « Informer ceux qui en ont le plus besoin », explique Michel Beuret, le responsable éditorial. Présents aux Assises de Tunis vendredi, des journalistes de la RD Congo, de la Centrafrique, du Yémen et de la Syrie ont raconté leur expérience.

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Des solutions pour investiguer en toute sécurité

Les intervenants ont discuté des initiatives pour protéger les journalistes d’investigation. Photo : Clara Gaillot

À travers le monde, les menaces pèsent sur les journalistes d’investigation. L’atelier « Des solutions pour les journalistes menacés » a fait le point sur les initiatives mises en place actuellement.

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CFI a une mission : aider les médias à se développer

Canal France International (CFI) est l’un des premiers partenaires financiers de ces Assises de Tunis.

Canal France International (CFI) est une agence française qui promeut le pluralisme et la professionnalisation des médias en Afrique et en Asie du Sud-Est. Filiale du groupe France Médias Monde depuis 2017, CFI axe son travail sur les pays en transition démocratique.

Canal France International (CFI) est l’agence française d’aide au développement des médias. Opérateur de l’Union Européenne et du ministère des Affaires étrangères, elle est devenue, en juin 2017, une filiale du groupe France Média Monde (France 24, Radio France International (RFI) et Radio Monte-Carlo Doualiya (MCD)).

L’intégration au groupe France Médias Monde est « une belle opportunité qui apporte de potentielles synergies« , annonce David Hivet, directeur Méditerranée-Asie de CFI. Des contenus produits par des journalistes accompagnés par l’agence française peuvent être publiés sur les sites internet de France Médias Monde. Dans l’autre sens, des journalistes de France 24 ou RFI peuvent intervenir en tant que formateurs au cours des différentes missions de CFI.

L’agence française conçoit et met en œuvre des projets qui s’appuient sur des médias locaux. Elle dispense ses formations sur une vaste zone qui s’étend du Maroc jusqu’aux Philippines. « L’idée est d’élargir, densifier et crédibiliser l’espace d’information et de débat« , explique Julien Guei, délégué de CFI aux outil numériques. L’agence de développement axe son travail sur des régions fragiles, exposées au conflit, soumises à des déstabilisations politiques. Avec toujours un même objectif : participer au renforcement des médias pour qu’ils puissent délivrer une information pluraliste, fiable et démocratique.

Conception de projets

Dix millions d’euros sont mobilisés chaque année pour concevoir des projets, qui durent entre un et quatre ans. Pierre Jalladeau, directeur Afrique de CFI, indique que « les projets naissent en grande partie de l’expérience du terrain après des discussions avec les médias et la société civile pour comprendre ce qu’il faut apporter comme aide« . C’est ainsi qu’une trentaine de projets est conduite chaque année, ce qui représente 180 missions sur le terrain.

Quand le projet est mis en place, un appel à candidature pour trouver les médias est réalisé à travers de grandes campagnes de communication sur les réseaux sociaux. Les médias postulent en ligne, puis CFI en sélectionne une dizaine.

Les missions d’accompagnement prennent différentes formes. Pierre Jalladeau énumère : « formations généralistes ou spécialisées, coaching, assistance matérielle sur le terrain, conseils en management, en ligne éditorial ou encore en création de nouveaux contenus ». L’agence française s’appuie sur des journalistes ainsi que des spécialistes des thématiques en lien avec le projet.

D’autres organismes vont encore plus loin et travaillent sur le modèle économique des entreprises de presse. C’est le cas d’Action Médias Francophones (AMF), une association française, qui intervient principalement à Madagascar et dans l’Union des Comores.

« Dans ces pays, les journalistes sont souvent trop peu payés et parfois corrompus. Certains sont asservis à la pauvreté. Pour résoudre ces problèmes, il faut un mode de gestion plus performant. L’indépendance économique amène l’indépendance politique », explique David Bohbot, président de l’association. Tout comme CFI, AMF développe des entreprises de presse pour qu’elles puissent être des contre-pouvoir démocratique.

Accompagner des médias acteurs de transition démocratique

David Hivet explique qu’aujourd’hui, « CFI est intégré dans une politique d’aide publique au développement dans des pays où le média a un rôle à jouer, comme en Irak, où CFI renforce des médias contributeurs de cohésion sociale« . Pierre Jalladeau insiste sur le fait que « les médias sont des outils de citoyenneté« . Il cite l’exemple du projet « Faso Media ». Depuis 2015 et la chute de Blaise Compaoré au Burkina Faso, CFI y accompagne des médias qui ont retrouvé la liberté d’expression. Beaucoup de formations sont dispensées aux journalistes qui doivent apprendre à interviewer un politique, faire des enquêtes et des reportages.

Bien que les projets diffèrent, selon le contexte du pays d’intervention, le rôle de CFI est très souvent le même. Faire monter en puissance des médias déjà existants qui jouent un rôle important dans des pays en sortie de crise ou en transition démocratique.

Romain Pichon et Ewen Renou

« L’espace global de l’information et de la communication est un bien commun de l’humanité »

Nejma Zghidi, psychologue, auteure et comédienne tunisienne, a lu lors de cette soirée quelques extraits de la Déclaration internationale du journalisme.

Lors de la soirée d’ouverture des Assises du journalisme de Tunis, l’ONG Reporters sans frontières (RSF) présentait sa « Déclaration internationale sur l’information et la démocratie ».

 

Pour la soirée du jeudi, « Information et Démocratie », les visiteurs avaient rendez-vous au théâtre du 4ème art, un espace culturel en plein centre-ville de la capitale tunisienne. RSF présentait sa « Déclaration internationale sur l’information et la démocratie : des principes fondamentaux pour l’espace global de l’information et de la communication ».

Pour introduire la soirée, Christophe Deloire, secrétaire général de RSF, n’y est pas allé par quatre chemins : « Jusqu’à présent, on voyait des journalistes découpés en morceaux au Mexique. Aujourd’hui, on voit ça dans une ambassade. Des régimes despotiques violent les droits des journalistes« . Sous les applaudissements nourris d’une salle comble, il a conclu : « Il ne peut pas avoir de démocratie si les gens ne sont pas bien informés. »

La Commission sur l’information et la démocratie, composée de 25 personnalités de 18 nationalités, a adopté cette déclaration solennelle à l’unanimité après deux mois d’échanges et d’écriture. Les rédacteurs posent ainsi des principes fondamentaux pour « garantir la liberté, l’indépendance, le pluralisme et la fiabilité de l’information, dans un contexte de mondialisation, de digitalisation et de bouleversement de l’espace public« .

La déclaration, un texte de six pages, a été dévoilée le 5 novembre. Pour la faire découvrir au public du Théâtre du 4ème art, Christophe Deloire a invité Nejma Zghidi, psychologue, auteure et comédienne tunisienne. De sa voix clair, cette dernière a lu des extraits de la déclaration.

Elle a commencé par le préambule :  « L’espace global de l’information et de la communication est un bien commun de l’humanité qui doit être protégé comme tel. Son organisation relève de la responsabilité de l’humanité tout entière, par l’intermédiaire d’institutions démocratiques, dans le but de faciliter la communication entre les individus, les cultures, les peuples et les nations, au service des droits humains, de la concorde civile, la paix, la vie et l’environnement« .

Nejma Zghidi a ensuite insisté sur le droit à l’information, « qui consiste en la liberté de rechercher et de recevoir des informations fiables et d’y accéder. L’information ne saurait être considérée comme fiable que si sa collecte, son traitement et sa diffusion sont libres« .

Christophe Deloire a enfin lancé un appel pour clôturer cette présentation et a expliqué que l’objectif de cette déclaration était de « mobiliser tous ceux qui sont attachés à préserver un espace public libre et pluraliste, condition de la démocratie« .

Vous pouvez retrouver en intégralité la déclaration internationale sur l’information et la démocratie sur le site de RSF :

https://rsf.org/sites/default/files/declaration_internationale_sur_linformation_et_la_democratie.pdf

 

Romain Pichon et Ewen Renou

La Cité de la culture, un projet titanesque qui suscite le débat

La construction de la Cité de la Culture a été interrompue à plusieurs reprise avant de reprendre en 2016.

Pour leur première édition tunisienne, les Assises internationales du journalisme se sont installées à la Cité de la Culture de Tunis. Flambant neuf, ce lieu de neuf hectares au cœur de la capitale ne passe pas inaperçu et essuie les critiques.

 

En plein cœur de Tunis, l’imposante bâtisse qu’est la Cité de la Culture bouillonne en ce premier jour des Assises. Discussions, rencontres, interviews, le lieu dédié à la culture accueille ce premier événement hors de la France. Pour le plus grand plaisir du fondateur et président des Assises, Jérôme Bouvier. “C’est extraordinaire de pouvoir tenir ces assises dans un lieu aussi important, on ne pouvait qu’accepter”. La Cité de la Culture, c’est un projet entamé en 2003 et inauguré en mars 2018. Ce mastodonte, qui comporte trois théâtres, six espaces de répétitions, deux salles de projection et un auditorium, n’a cessé de faire débat au sein de la population tunisienne. C’est d’ailleurs pour cela que l’organisation des Assises a délocalisé certaines de ses conférences au Théâtre du 4ème art, non loin de la Cité de la Culture : “On ne savait pas si les Tunisiens s’étaient approprié ce bâtiment qui est tout neuf, on voulait être sûrs qu’on soit bien dans deux lieux”.

Le hall de la Cité de la Culture, majestueux et lumineux.

Un lieu culturel loin de recevoir l’approbation de tous…

Qualifié de lieu démesuré et sans âme par ses détracteurs, il est surtout le symbole de l’ancien régime, pour certains. « Avec ce bâtiment, on perpétue la stratégie de Ben Ali, c’est-à-dire une hégémonie totale et une mainmise de l’État sur l’activité culturelle et artistique. Les artistes qui sont en train de glorifier ces lieux sont les seuls qui y auront accès. Ce sont des noms qui ont verrouillé la scène culturelle pendant des années », expliquait l’artiste plasticien Nidhal Chamekh à Libération. La somme déboursée par le gouvernement tunisien pour la réalisation de la Cité de la Culture est elle aussi jugée faramineuse : 130 millions de dinars soit 44 millions d’euros. « La Cité de la Culture est l’illustration parfaite du ratage culturel de la révolution. Même en Russie on n’oserait plus pondre un truc pareil. De telles dépenses auraient dû servir à renforcer le peu d’équipements culturels qui existent sur le territoire », s’indignait le dessinateur tunisien Z, toujours auprès de Libération.

… qui fait pourtant la fierté de beaucoup

Mais il n’y a pas que des mécontents. Marwa Rekik, journaliste radio, se confie, près du buffet bien garni dans le hall majestueux au cours de ces Assises : “Je pense que c’est un exploit pour tous les citoyens tunisiens, il donne vraiment une belle image de la culture tunisienne, c’est une grande initiative”. Et le directeur général du théâtre et de l’opéra de la Cité de la Culture, Youssef Lachkham, n’en est pas peu fier : “Ce n’est pas un centre culturel, c’est une cité, il y a des citoyens dedans, des invités et des échanges, c’est ce concept qui fait et fera la richesse de la Cité de la Culture”. Cela ne fait pas de doute pour Khouloud Hamdi, étudiante à l’IPSI, l’école de journalisme de Tunis : “on a besoin de patrimoine, d’un espace où viennent tous les artistes, car je crois vraiment à la culture et à l’art“. Même si la Cité de la Culture est un projet d’avant-révolution, la jeune femme veut passer outre cette période, que la Tunisie évolue, et cela commence pour elle, par le soutien de la création de lieux culturels.

Elise Pontoizeau

Y a-t-il un avenir pour la presse écrite d’information ?

Des journalistes venus de toute l’Afrique ont tenté de répondre à l’éternelle question “Y a-t-il un avenir pour la presse écrite ?”, lors d’une conférence, jeudi, aux Assises du journalisme de Tunis. Ils ont expliqué au public comment ils luttaient pour la survie de leurs journaux.

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Pourquoi les Assises du journalisme ont-elles lieu à Tunis ?

Les Assises du journalisme de Tunis auront lieu du 15 au 17 novembre, dans la Cité de la culture, en plein cœur du centre-ville. Photo : Pixabay

La capitale tunisienne accueille cette année la première édition des Assises du journalisme hors de France. Un choix justifié par la position stratégique de la ville mais aussi par le respect des libertés par le pouvoir tunisien.

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À Tunis, le « début d’une belle aventure » pour les Assises

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien et Jérôme Bouvier, le président des Assises, deux personnalités attendues pour cette conférence. Photos : Ewen Renou

Lors de l’inauguration des premières Assises internationales du journalisme de Tunis, jeudi matin, le président des Assises, le chef du gouvernement tunisien et l’ambassadeur de France ont souligné l’importance de cet événement pour la préservation de la liberté de la presse en Tunisie.

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Les Assises du journalisme de Tunis en 5 chiffres

L’affiche de ces premières Assises internationales du journalisme de Tunis.

Du 15 au 17 novembre, Tunis accueille les Assises internationales du journalisme. Les nombreux journalistes attendus vont réfléchir sur de multiples questions en lien avec le thème de l’événement à travers ateliers, conférences et formations. Présentation de l’événement en cinq chiffres.

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Les Assises du journalisme, ça sert à quoi ?

Jérôme Bouvier et Anne-Claire Coudray, présidente du jury des Assises 2017, lors de la remise des prix de la dixième édition des Assises Internationales du Journalisme, à Tours.

Durant trois jours, du 15 au 17 novembre 2018, la Cité de la Culture de Tunis accueille la première édition des Assises du journalisme hors de France. Un rendez-vous important et nécessaire pour les professionnels de la presse internationale. 

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