[LE RÉSUMÉ] Presse et élections : une très longue histoire…

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Presse et élections : une très longue histoire… »

Photo : Lilian Ripert/EPJT

Animé par Isabelle Garcin-Marrou, enseignante-chercheure à l’IEP de Lyon, avec Géraldine Delacroix, journaliste à Mediapart, Etienne Manchette, responsable contenus et partenariats Retronews Bnf et Claire Blandin, enseignante-chercheure à l’Université Sorbonne Paris-Nord.

 

 

Les enjeux

L’importance de la presse dans le débat politique ne date pas d’hier. Les élections législatives de 1936 ont notamment été marquées par la violence de la couverture médiatique contre certains candidats et l’apparition de la radio. Un parallèle peut-il être fait avec la présidentielle de 2022 ?

Ce qu’ils ont dit

Claire Blandin : « Après la Première Guerre mondiale, on est dans un paysage médiatique en recomposition. C’est la première élection où la radio va rentrer dans ce temps de la campagne. »

« Il se passe quelque chose autour de la campagne radiodiffusée. Léon Blum trouve un ton pour parler à la radio alors que Maurice Thorez ne réussit pas à s’emparer de la forme de ce média. La violence de cette campagne est réelle. Il y a une propagation de la photo de Léon Blum dans la presse suite à son agression par les Camelots du roi. Dans le journal Action Française, Charles Maurras explique qu’il faut le « fusiller, mais dans le dos ». »

Etienne Manchette : « Le journal Paris-soir vient balayer le vieux modèle du journalisme. Il y a de la photo, une grosse titraille, de l’information internationale à gogo… Tous les éléments de la presse moderne. »

Géraldine Delacroix : « Cette violence [décrite] me fait penser à ce que l’on voit sur Twitter aujourd’hui. »

A propos de la campagne 2022 : « On a senti qu’il se passait quelque chose à gauche. Beaucoup d’électeurs et d’électrices se sont tournés vers le vote utile pour Jean-Luc Mélenchon. On s’est demandé si on devait inciter les gens à aller voter ou non. »

« Pendant l’entre-deux-tours, on s’est également posé la question de savoir s’il fallait voter pour Emmanuel Macron, car le faire pour Marine Le Pen n’était pas une option. Edwy Plenel a publié un édito « Contre Le Pen, voter dans la douleur pour conjurer l’effroi ». »

À retenir

L’arrivée de la radio dans la campagne de 1936 a bousculé les pratiques. Certains candidats s’en emparent mais d’autres comme Maurice Thorez, tribun politique, n’arrivent pas à trouver le ton pour parler aux Français. Pour les intervenants, les années 1930 sont un tournant dans la presse.

Lilian Ripert

[INTERVIEW] Claude Sérillon : « J’ai voulu reconstituer un moment d’histoire demeuré discret »

Claude Sérillon auteur de Un déjeuner à Madrid au salon du livre des Assises internationales du journalisme 2019.
(Photo Louise Gressier / EPJT)

Claude Sérillon est journaliste, écrivain et homme de télévision. Il a notamment présenté le 20h de France 2 à la fin des années 1990. Présent sur le salon international du journalisme à Tours, il nous présente Un déjeuner à Madrid aux éditions Cherche Midi, un roman basé sur un événement oublié de l’histoire : la rencontre entre de Gaulle et Franco du 8 juin 1970.

Que nous raconte votre livre ?

Claude Sérillon. J’ai voulu reconstituer un moment d’histoire demeuré discret car il a embarrassé tout le monde. De Gaulle est battu au référendum de 1969, il se sent humilié. Il va partir en Irlande pendant l’élection de Pompidou et ne plus voir personne. Après l’Irlande il s’enferme chez lui à la Boisserie où il continue d’écrire ses mémoires. Au mois de décembre 1969, il veut aller en Espagne. On sait que Charles Quint l’intéressait, Cervantes, Don Quichotte. Il ajoute à l’ambassadeur de France, que naturellement il verrai Franco. Stupéfaction totale. Franco est allé faire les saluts nazis fascistes à côté d’Hitler.

Pourquoi vous-être intéressé à cette rencontre ?

C. S. Je suis très frappé par ces rencontres qui paraissent invraisemblables comme avec Trump et Kim. Pour avoir été dix-huit mois à l’Elysée, j’ai vécu des rencontres hors du temps. Quand vous êtes petite souris, observateur de la scène, c’est très étonnant. La discussion internationale oblige de discuter avec son ennemi. Au fond le réalisme de de Gaulle qui va voir Franco, c’est peut-être aussi une leçon de modestie sur nos jugements à nous, journalistes. Immédiatement on fait des camps, le bien et le mal. Mais il faut bien que les leaders discutent entre eux.

Où est la part de réel dans votre roman ?

C.S. Toute la partie voyage est avérée. La partie déjeuner est quasi certaine car il restait quelques éléments. Aujourd’hui tous les acteurs, témoins sont morts. L’entretien est inventé à partir d’éléments. Mon idée était de les faire parler sur quelque chose qui aurait pu être réel. Je suis allé chercher dans les propos des uns et des autres et j’ai traficoté pour que cela se transforme en un dialogue. Comme si on avait imaginé une discussion entre Louis XIV et Napoléon.

Pourquoi la presse n’en a pas du tout parlé ?

C.S. À l’époque, la télévision est aux mains du pouvoir [de l’ORTF] donc la consigne est de ne pas embêter le Général. On n’en parle pas. Quand Franco apprend la visite du général, sa fille raconte qu’il a fait des bonds de joie. Personne ne venait le voir, il était replié au palais du Pardo.

Comment va se passer le voyage puis la rencontre ?

C.S. De Gaulle part début juin de la Boisserie [sa résidence familiale]  à Colombey-les-Deux-Eglises. Il traverse toute la France avec deux DS, deux chauffeurs, pas de gardes du corps particuliers. Personne pour le signaler. Aucun journaliste. Au Palais du Pardo, il s’entretient pendant 45 minutes avec Franco. Puis suit un déjeuner avec Madame de Gaulle, Madame Franco, la fille de Franco et son mari, l’ambassadeur de France et sa femme. On ne sait pratiquement rien de ce moment. Il n’y a eu que deux dépêches de l’ambassadeur envoyées au Quai d’Orsay qui disent que l’entretien s’est bien passé. De Gaulle dira que Franco était gâteux et que le saumon était exquis. Le traducteur dit dans une interview 25 ans après que ça s’est très bien passé, que c’était cordial. On ne rentre pas dans les détails. C’est la stupéfaction quand Malraux l’apprend. De Gaulle s’en fout. Quand il va revenir en France, de Gaulle dira « Oui je sais que ça a jasé et bien qu’ils jasent ». Il ne dira rien d’autre sauf une lettre de remerciements étonnante à Franco.

Comment deux hommes que tout oppose ont-ils pu sympathiser ?

C.S. Ce sont deux généraux qui se sont affranchis des règles de discipline. Franco a fait un coup d’Etat. Théoriquement, un général ce n’est pas fait pour ça. De Gaulle a fait un bras d’honneur à Pétain quand il était secrétaire. De Gaulle n’est pas un chef politique, il déteste la politique. Il méprise les hommes politiques et la presse. Il y avait des points communs entre Franco et De Gaulle. J’ai essayé de faire une réflexion sur le pouvoir, sur la trajectoire de ces deux hommes. Franco va mourir 5 ans après, De Gaulle 4 mois. Cela m’a permis de faire une enquête de journaliste mais aussi un roman, je romance tout cela.

Vous auriez aimé faire de la politique ?

C.S. Non, je ne pense pas. Je ne suis pas capable. Il faut avoir beaucoup de certitudes et de courage. Je ne suis pas militant. Il faut se battre pour garder le pouvoir, vous êtes sanctionné par le vote des gens. J’ai beaucoup de respect pour eux parce que je pense que c’est très dur, très violent. Donc ce n’est pas si simple que ça. Je ne participe pas au soupçon permanent de Médiapart par exemple. Ce n’est pas ma conception du journalisme.

Aujourd’hui on caricature le président…

C.S. Autre temps, autre mœurs. Je pense que les figures politiques d’aujourd’hui sont plus proche de nous. Le quinquennat et la rapidité de succession a aussi impacté cela. La communication a bien évolué aussi. Il n’y avait pas d’attaché de presse. Aujourd’hui on sait tout, tout le temps. C’est très difficile de cacher quelque chose. Comme le ministre de l’Intérieur qui va faire la fête en boîte à deux heures du matin et qui se retrouve sur les réseaux.

Quels sont vos projets d’avenir ?

C. S. J’ai arrangé ce livre en pièce de théâtre mais ça peut prendre du temps. C’est un monde que je ne connais pas bien. C’est amusant, j’aime bien faire des choses différentes.

Propos recueillis par Nathan Cocquempot et Victoria Geffard

De l’opposition à l’asile politique

Yvette Murekasabe et Ali Al Makri sont tous les deux des anciens résidents de la Maison des journalistes. Ils ont été invités à une conférences sur le sujet, vendredi. Captures d’écran : Tiffany Fillon

Yvette Murekasabe et Ali Al Makri ont quitté leurs pays respectifs en 2015. Exilés en France, ils ont été pris en charge par la Maison des journalistes, une association spécialisée. Vendredi, pendant une conférence aux Assises de Tunis, ils ont raconté au public leurs parcours poignants.

Dans l’une des salles de la Cité de la culture, où ont lieu les Assises de Tunis, Yvette Murekasabe, une petite femme mince aux cheveux très courts, prend la parole après une brève présentation de la Maison des journalistes : « Dans mon pays, enlisé dans une crise politique depuis 2015, j’avais publié un reportage radio qui ne plaisait pas au pouvoir. Je dénonçais la violation de la constitution burundaise par le président qui avait brigué trois mandats alors que la loi n’en prévoyait que deux au maximum. J’ai été poursuivie pour cela et menacée de mort au point que j’ai du fuir le pays clandestinement. »

De l’autre côté de la table, Ali Al Malkri, un petit homme en costume, est lui aussi un opposant politique dans son pays. « Mes articles, par exemple sur la consommation d’alcool, ont provoqué un tollé chez les autorités et les fanatiques religieux. Ces derniers m’envoyaient des menaces », se souvient-il. A l’image de la population civile au Yémen, il a vécu de plein fouet la guerre qui oppose la coalition menée par l’Arabie Saoudite et les rebelles houthies. « Une brigade de l’armée a été bombardée à côté de mon domicile, au moment même où j’allais produire un article sur cette guerre. La détonation était si forte. Elle m’a plongé dans la terreur », détaille-t-il.

Malgré sa détermination, la peur de mourir sous les bombes a pris le pas sur son combat pour la liberté de la presse. Traumatisé, il est parti avec l’un de ses enfants et son frère pour se réfugier dans un hôtel. Là-bas, il a écrit sur Facebook ce qu’il venait de se produire. « Je n’avais plus les mêmes positions politiques que le journal pour lequel je travaillais », justifie-t-il.

Sur la route de l’exil

Ce départ précipité les a tous les deux poussés à se réfugier dans un ou plusieurs pays. Yvette Murekasabe a du payer un passeur pour se rendre au Rwanda, pays voisin du Burundi. Là-bas, elle a récupéré son visa, envoyé par l’ambassade de France, pour venir en France.

Pour Ali Al Makri, le chemin a été plus tortueux. Ce journaliste-écrivain a été invité par une bibliothèque anglaise pour présenter son livre. Son rêve, c’était d’aller vivre en Grande-Bretagne. Mais il du se rendre en Égypte pour récupérer son visa. Puisqu’il ne l’a pas obtenu, il est allé le chercher à Djibouti. Le temps qu’il reçoive son visa, il était trop tard. Désemparé, il a perdu l’inspiration : « Alors que l’écriture était mon activité quotidienne, j’étais incapable d’écrire. Tout me rappelait la guerre, même une porte qui claque. » Pourtant, c’est son talent qui lui a sauvé la vie. En France, il a été invité pour recevoir un prix littéraire pour son roman. Cette fois-ci, il a pu s’y rendre. Sachant qu’en Egypte, il pouvait être emprisonné pour son roman, il a décidé de rester en France.

« Je me considère comme un enfant du siècle des Lumières »

En France, Yvette Murekasabe et Ali Al Makri ont tous les deux été recueillis par la Maison des journalistes. L’association les a aidés à obtenir le droit d’asile et publie leurs articles sur le site internet de la Maison. Ils font aussi partie de « Renvoyé spécial », une opération d’éducation aux médias mise en place par la Maison. Dans les écoles françaises, ils racontent leurs histoires pour sensibiliser les jeunes au respect de la liberté de la presse et pour leur ouvrir les yeux sur la réalité de la migration.

« Ma place est au Burundi »

Aujourd’hui, Ali est toujours journaliste et écrivain. Son prochain livre sortira d’ailleurs bientôt en France. « Ici, je jouis d’une grande liberté. Je me sens chez moi et je me considère comme un enfant du siècle des Lumières », avance-t-il. A son plus grand regret, Yvette Murekasabe n’est plus journaliste. Médiatrice sociale, elle aide les personnes en situation de précarité énergétique pour le compte d’une grande entreprise française. Mais son premier métier et son pays lui manquent : « J’aimerais bien rentrer chez moi, que la situation se stabilise au Burundi pour que je reprenne mon activité de journaliste. Ma place est au Burundi. »

Khouloud Hamdi et Tiffany Fillon

[EN PLATEAU] Elyse Ngabire, journaliste burundaise

Elyse Ngabire, journaliste burundaise, a dû s’exiler. Menacée à cause des articles qu’elle a écrit sur la situation politique dans son pays, elle est arrivée en France en septembre 2015. Elyse Ngabire a raconté son histoire à Emma Gouaille.

[EN PLATEAU] David Dieudonné, directeur de Google News Lab France

David Dieudonné est directeur de Google News Lab France, qui met à disposition plusieurs outils à destination des journalistes et, plus largement, des médias. Le directeur du pôle France répond aux questions de François Breton, sur les actions que Google met en place pour accompagner les médias dans les nouvelles technologies.

 

Cinq idées reçues sur les journalistes

Cinq idées reçues sur le journalisme. Photo : Clara Gaillot

 

 

 

 

 

Qui sont-ils, d’où viennent-ils, combien gagnent-ils : voici cinq idées reçues sur le métier de journaliste, dont la réalité est parfois (très) différente de l’image que le public peut s’en faire.

(suite…)