Journaliste, réalisateur, entrepreneur… Harry Roselmack a plusieurs casquettes. (Photo : Lucie Rolland)

Harry Roselmack, président du jury des Prix éducation aux médias et à l’information, revient avec humilité et pragmatisme sur son parcours.

Sa passion du journalisme, il la doit à son père, qui fut animateur occasionnel chez Radio Béton à Tours. Jeune, Harry Roselmack effectue sa formation à l’IUT de journalisme de Tours dont il sort diplômé en 1994. Mais c’est à Paris qu’il fait ses premiers pas de journaliste, à Média Tropical, radio des Antillais de la région parisienne. « Ce n’était pas ce que je voulais, mais c’est le seul média qui m’a donné ma chance. Avec mon profil, c’était plus simple d’aller travailler dans une radio identitaire », explique-t-il. En 2000, il est embauché chez France Info, où il restera cinq ans avant de se lancer en télévision, à iTélé et Canal+. Pas étonnant, pour David Carzon, un ancien camarade de classe : « Il avait déjà un truc. Il se passait quelque chose quand il passait à l’écran, et ce, dès les premiers cours de télévision. » En 2006, il remplace Patrick Poivre d’Arvor au journal télévisé et devient le premier journaliste Noir au 20 heures de TF1. « J’ai vite compris que ça avait été brutal pour les gens, pour la France, au vu de l’écho médiatique de mon arrivée sur TF1. Mais ça a été beaucoup moins brutal pour moi. » Les audiences sont bonnes, son travail est salué. « À partir du moment où vous faites bien votre job, les gens ne s’interrogent plus sur des questions secondaires. C’est la force des préjugés qui fait que l’on se dit qu’un Noir présenterait un journal différemment d’un Blanc. »

Ce coup de projecteur, ce n’est pas ce qu’il veut retenir de sa carrière. « La notoriété n’a pas été une donnée importante. Je n’ai jamais cherché ça et je ne la cultive pas. » Quand on le reconnaît dans la rue, on le félicite, on lui demande une photo… « J’ai rencontré deux jeunes Noirs français qui m’ont dit que c’était grâce à moi qu’ils étaient devenus journalistes. » Qu’il le veuille ou non, Harry Roselmack, aujourd’hui présentateur de Sept à huit, sur TF1, est un symbole. Le journaliste aurait préféré faire sans la discrimination positive, mais il sait qu’il est aujourd’hui impossible de s’en passer. Il est d’ailleurs le parrain du « Projet moteur », auquel TF1 est associé : une opération qui aide des jeunes de milieux modestes à s’exprimer via l’audiovisuel.

 

« Le JT de 20 heures n’était pas un aboutissement à mes yeux. »

« La célébrité l’ennuie », considère Véronique Rosa-Donati, une ancienne camarade de promotion. Ce qui est sûr, c’est que pour lui, elle n’est pas une fin en soi. « La réussite, ce n’est pas la notoriété », affirme-t-il. Sur ce chemin, la question de la diversité l’a-t-elle aidé ou freiné ? « Après les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises, les patrons de chaînes, et de TF1 en l’occurrence, ont sans doute cherché et trouvé en ma personne cette incarnation de la diversité », avance-t-il. Mais dans le lancement de sa carrière, il en est convaincu, son profil était plutôt un frein qu’un moteur. Selon lui, sa différence n’est pas à chercher du côté de ses origines, mais de ses ambitions. « Quand j’ai arrêté le JT de 20 heures, il y a plein de gens qui ne l’ont pas compris, car pour eux, c’est un aboutissement. Pas pour moi. C’était juste une belle étape de mon parcours. » Journaliste, présentateur, mais pas seulement… Quand on lui parle de ses défis, il sourit. Harry Roselmack, qui a aussi créé sa marque de cosmétiques Neoclaim, est un touche-à-tout. Il aime créer, vivre des aventures humaines et se fixer de nouveaux objectifs. Cet esprit d’aventure l’a conduit à réaliser le film « Fractures ». Sorti en novembre 2018, il aborde les thèmes de l’identité, de la diversité et du vivre ensemble. « Les institutions du cinéma ne m’ont pas accueilli agréablement. On vit dans une société qui n’aime pas trop qu’on change de case. En France, c’est comme si on n’avait pas le droit de faire des choses. Moi, je prends ce droit. » 

Lucie ROLLAND