Depuis l’affaire de la Ligue du LOL, Aude Lorriaux, porte-parole de l’association Prenons la Une est très sollicitée par les médias pour s’exprimer sur la misogynie.

 

Au lycée, mes copains m’appelaient parfois “le troisième sexe” », se souvient Aude Lorriaux. Si sa période de cheveux verts est révolue, son engagement lui, est resté intact. La journaliste de 36 ans milite aujourd’hui pour une juste représentation des femmes dans les médias et l’égalité professionnelle dans les rédactions. Depuis janvier 2018, Aude Lorriaux est porte-parole de l’association Prenons la Une, fondée quatre ans plus tôt par Léa Lejeune (Challenges) et Claire Alet (Alternatives Économiques). Celle qui préfère défendre une cause commune plutôt que d’évoquer sa propre expérience de cyberharcèlement se réjouit de la nomination de son association au Grand Prix des Assises du journalisme de Tours pour « son action en faveur de la parité, la lutte contre le harcèlement et la place des femmes dans les médias ».
Sensible aux questions d’injustice sociale depuis longtemps, Aude Lorriaux a finalement déjoué les pronostics parentaux qui voyaient en elle une avocate. Après le baccalauréat, elle s’oriente vers les classes préparatoires littéraires de Louis-le-Grand avant d’intégrer l’Institut d’études politiques de Lille, l’Institut français de presse (IFP) puis l’école de journalisme de Berkeley en Californie.

En avance sur son temps

En commençant à exercer comme journaliste en 2010, elle prend véritablement conscience du sexisme. La jeune journaliste couvre alors de nombreux sujets liés au genre (elle publie par exemple « Le petit garçon qui aimait les barbies », une enquête sur les enfants transgenres). Un domaine qui n’emballait pas ses collègues : « Toi, tu t’occupes que des clodos et des pédés », lui reprochait son rédacteur en chef de l’époque.
S’ensuivent des années à écrire pour différents supports, de La Croix au Point en passant par AFP Multimédia, AFP TV et Fluctuat.net. Avec comme fil rouge les discriminations. Celles basées sur l’âge attirent notamment son attention. Pendant plus d’un an, Aude Lorriaux va dédier un podcast à ce sujet sur Nouvelles Écoutes intitulé « Vieilles Branches ». Deux fois par mois, elle rend visite à des personnalités de plus de 75 ans. Le tout premier épisode d’un nouveau podcast de Slate.fr, le « Deuxième texte », est sorti début mars. Elle y décortique avec Nassira El Moaddem et Marie Kirschen les livres qui font l’actualité féministe. Si la lutte pour plus d’égalité est au cœur de son travail depuis longtemps, la révélation de l’existence de la Ligue du LOL, il y a un mois, intervient comme un « accélérateur » dans le combat de la journaliste. « Il y a dix ans, ça n’aurait même pas été traité. Là, on a vu énormément de réactions s’emparer du sujet » , se réjouit-elle.

Prise de parole

À la question de savoir si le monde journalistique est plus touché que d’autres secteurs par les discriminations liées au genre, la diplômée d’une licence de philosophie répond que le sexisme est présent partout : « Récemment, des affaires ont été révélées chez les pompiers ». Avant d’ajouter que « dans les sphères à responsabilité sociale, il est encore plus nécessaire de montrer l’exemple ». Elle l’explique dans un essai, cosigné avec l’historienne Mathilde Larrère, Des intrus en politique : femmes et minorités : dominations et résistances, paru en 2018. Le chemin est encore long, à en croire les résultats de la consultation en ligne lancée par Prenons la une, Nous toutes, et Paye ton journal, publiés en mars. Deux tiers des femmes y ayant participé affirment avoir été victimes de propos sexistes au sein de leurs rédactions. L’auteure de 266 articles pour Slate estime toutefois que les choses avancent dans le bon sens. « On assiste à une évolution sociétale globale : actuellement, trois quarts des Français âgés de 16 à 25 ans se disent féministes. » Reste à le prouver dans les actes.

Melena HÉLIAS