Africa Check, site de fact checking africain souhaite se développer via la coopération avec d’autres médias. Capture d’écran.

Africa Check, premier site de fact-checking par son envergure sur le continent de demain, a été lancé en 2012. Son fondateur et directeur exécutif britannique, Peter Cunliffe-Jones, revient sur les deux missions principales de ce média : la coopération face aux fake news et la formation des journalistes de demain.

C’est LE premier site de fact-checking en Afrique, qui n’a pas réellement d’équivalent dans le monde. Lancé en 2012, ce pure-player a pour ambition de lutter contre les fake news sur tout le continent grâce à ses journalistes répartis dans plusieurs pays. « Nous travaillons en partenariat avec des dizaines de médias dans les quatre pays où nous sommes présents », résume ainsi son fondateur, Peter Cunliffe-Jones. Un projet qui ne peut vivre que par la coopération et la formation des journalistes, comme l’explique le journaliste britannique, passé par l’AFP. 

Comment est né la projet Africa Check ?

J’ai travaillé pour l’AFP pendant 25 ans. En 2011, j’ai intégré la fondation AFP. J’ai discuté avec un professeur en journalisme de l’université de Johannesburg, en Afrique du Sud, à propos du mouvement du fact-checking, initié aux Etats-Unis. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas de site de fact-checking sur le continent africain. Nous avons donc mis en place le projet d’en créer un avec une équipe basée à Johannesbourg. Le site a été lancé le 31 octobre 2012 avec l’ambition de le prolonger dans d’autres pays du continent. Aujourd’hui il couvre également le Nigéria, le Sénégal et le Kenya. L’équipe est composée d’une trentaine de personnes dont quinze journalistes répartis dans ces quatre bureaux.

En quoi le fact-checking est-il essentiel sur le continent africain ?

Il y a besoin d’en faire un peu partout dans le monde. C’est pour cela que l’on compte plus de 150 sites de fact-checking sur la planète. Nous avons lancé Africa Check bien avant que l’on parle de fake news. Mais c’est évident pour moi que la désinformation a causé beaucoup de problèmes depuis des siècles. C’est la raison pour laquelle j’ai lancé le site. Par exemple, quand je travaillais pour l’AFP et que j’étais basé au Nigéria, il y a eu une campagne de l’OMS contre la poliomyélite. Des rumeurs se sont propagées et disaient que cette campagne de vaccination visait à réduire la population dans le monde musulman. À cause de cela, cette campagne a été un échec total. Au lieu d’être éradiquée, la poliomyélite a explosé. Le fact-checking a une importance réelle sur les sociétés, au-delà de la politique. L’impact des fake news est différent selon les pays, mais partout dans le monde cela cause des problèmes.

Un prix africain pour le fact-checking

Pour mettre en avant le travail des journalistes, Africa Check a lancé en 2014 le prix de fact-checking en Afrique. « Des journalistes provenant d’une vingtaine de pays ont candidaté à nos différents prix », explique ainsi Peter Cunliffe-Jones. Une bonne manière pour faire émerger des projets et des têtes. « Cette année, l’un des lauréats est un jeune journaliste sénégalais, qui va travailler avec nous dans notre bureau de Dakar ». Le pure-player leur propose aussi des formations sur le fact-checking en vue, donc, d’intégrer ensuite les rédactions. Pour toujours mieux lutter contre les fake news.

La coopération est au cœur du projet Africa Check. Pourquoi ce choix ?

Si on travaille seuls, l’impact est moindre. C’était donc très important pour nous dès le début de collaborer avec des journalistes de différents médias et de différents pays. Nous travaillons par exemple avec un nouveau site de fact-checking, Zimfact, qui s’est lancé au Zimbabwe en mars ; ou encore Congo Check qui a démarré cette année. Il y a beaucoup de sites qui se créent, au Botswana ou en Côte d’Ivoire notamment. Nous travaillons avec eux pour les aider à s’établir. Le rôle d’Africa Check est de soutenir toutes les initiatives en Afrique.

 

Peter Cunliffe-Jones, fondateur d’Africa Check, est aujourd’hui le directeur exécutif. Photo : site africacheck.org

 

Est-ce que cela passe aussi par le financement de projets de fact-checking ?

Non, nous n’avons pas les moyens de le faire. Nous proposons notre aide à travers les formations, que ce soit sur les principes du fact-checking ou sur l’aspect technique. Mais nous n’avons pas de financements, malheureusement.

Comment se déroulent ces formations ?

Des membres de ces nouveaux sites viennent travailler à nos côtés pendant deux semaines. Les anglophones viennent dans le bureau de Johannesbourg et les francophones dans le bureau de Dakar. Tous les mois nous organisons une réunion virtuelle avec les partenaires de notre projet. En novembre 2017, nous avons organisé une réunion de deux jours pour parler des problèmes auxquels ils sont confrontés. Nous espérons que cela les aidera à s’établir.

« Nous espérons travailler avec le plus de journalistes possible »

Avez-vous des échanges avec des sites de fact-checking américains ou européens ?

J’appartiens au conseil d’administration de l’International Fact-Checking Network, ce qui nous permet d’avoir des échanges avec d’autres membres internationaux. Actuellement, j’échange avec le site de fact-checking anglais Full fact. Nous avons très souvent des échanges avec Chequeado, un site de fact-checking argentin. Il y a deux mois, nous avons organisé un échange entre nos équipes pour mettre en place un projet d’éducation aux médias. L’année prochaine, nous accueillerons au Cap [toujours en Afrique du Sud, ndlr] la conférence Global Fact, qui se déroule tous les ans depuis quatre ans. Africa Check va l’organiser pour la première édition sur le continent africain.

À Johannesbourg, comme au Sénégal, vous êtes installés dans le centre de formation de journalistes de l’université. Pourquoi est-ce important pour vous d’être en lien avec les écoles de journalisme ?

Les principes et techniques du fact-checking représentent une partie très importante de l’avenir du journalisme. Être dans les écoles de journalisme nous permet d’étendre la connaissance des journalistes de demain dans le domaine.

Comment cela se concrétise ? Avez-vous des perspectives d’évolution ?

Nous proposons ces formations gratuitement parce que nous espérons travailler avec le plus de journalistes possible pour avoir un impact important. Nous essayons aussi de créer pour l’année prochaine un cursus en journalisme que nous proposerons gratuitement aux écoles de journalisme du continent. Les écoles pourront s’approprier ce cursus pour en faire un cours à leurs élèves.

 

Propos recueillis par Clément Argoud