Vincent Duluc et Chérif Ghemmour ont parlé journalisme sportif. Photo : Thomas Cuny

Retrouvez le résumé de la rencontre avec Vincent Duluc, auteur de Kornelia aux éditions Stock et Chérif Ghemmour, auteur de Neymar, le prodige aux éditions Saltimbanque.

Animé par David Medioni, fondateur d’Ernest Mag.

ENJEUX

Le journalisme sportif est un domaine quelque peu à part. Très connu sous sa forme papier ou sur les sites web, c’est aussi un type de journalisme qui peut se développer dans des livres, sous forme de roman, de fiction. Mais dans un domaine où l’argent est de plus en plus présent, les professionnels doivent adopter de nouvelles techniques pour travailler.

CE QU’ILS ONT DIT

Chérif Ghemmour: « Je m’adresse aux jeunes, d’environ 12-14 ans. C’est un livre avec beaucoup d’illustrations, d’anecdotes mais avec un vrai fond. On peut faire des livres sur le sport. La confrontation entre Messi et Ronaldo c’est homérique, on peut en faire une histoire. Je considère que le sport est un sujet transversal. On va, par exemple, à travers le prisme du football, raconter une époque. On a bien vu que quand le footballeur Yohan Cruyff est mort, c’était un deuil national aux Pays-Bas. Aujourd’hui, il y a une concentration capitalistique du football. On est dans la concentration capitalistique du talent et du jeu. Mais il y a une extension du domaine du plaisir et du spectacle. Il y a des matchs extraordinaires, il y a des buteurs qui totalisent des nombres de buts incroyables. Il y a une dérive du football business, pour le pire comme pour le meilleur.
Je dirais que la peur de la proximité qui s’est développée dans le monde du sport a favorisé le phénomène d’individualisation du talent.
Quand j’ai écrit mon livre sur l’histoire de la Coupe de France, j’ai lu des journaux des années 1920-1930 et il y avait des débats tactiques très impressionnants. C’était pareil dans les années 1950-1960. Après, c’est vrai qu’il y avait un certain académisme dans l’écriture »

Vincent Duluc : « Pour le moment, je me suis surtout penché sur les champions. En l’occurrence, Kornelia Ender est une championne de mon adolescence. Quand on se penche vers une championne d’il y a 40 ans, on ne voit pas les mêmes choses que quand on se penche sur un champion d’aujourd’hui. Je suis sûr que si quelqu’un qui raconterait la Coupe du Monde 2006 de Zidane, il y aurait une force romanesque assez considérable. Kornelia Ender, sportivement, était la reine de la natation des Jeux Olympiques de Montréal (1976). Au total, elle aura battu vingt-six records du monde. Ce qui m’intéressait c’était la description d’un monde perdu et cette question : qu’est ce qui peut rester de ces années là ? J’ai trouvé que c’était un personnage romanesque et il y avait un fond de Guerre Froide avec Kornelia Ender qui affrontait l’américaine Shirley Babashoff. Et il n’y avait pas tant de domaines ou les États-Unis affrontaient des athlètes de République démocratique d’Allemagne. Je voulais savoir ce qu’étaient devenues ces deux femmes. Ce qui m’a intéressé, c’est fouiller ce monde qui a complètement disparu. Les souvenirs de l’Allemagne de l’Est ont disparu. Aujourd’hui, pour voir ces objets des Allemands de l’Est, il faut aller au musée.

Aujourd’hui, évidemment, il y a des aspects du foot qui ne me conviennent pas. L’opacité du transit de l’argent dans le foot ne me satisfait pas. La grande affaire, sur la durée, c’est la perte de proximité. Aujourd’hui, on ne peut plus approcher autant les joueurs. Est ce que c’est à cause de l’argent ? Je ne sais pas. Il y a aussi le fait qu’il y a plus de journalistes et avec les réseaux sociaux, les joueurs peuvent contrôler leur image sans nous. Alors on fait autrement. On essaie de savoir ce qu’il se passe en ayant des contacts chez les agents, les familles, etc. C’est une sorte de journalisme indirect. Ce qui change avec le foot, c’est que les joueurs sont des marques. Un journalisme sportif utile c’est un journalisme qui raconte des histoires, un journaliste qui peut décrypter les grands mouvements, du sport et de son effort. Nos grands anciens disent que c’était mieux avant, moi je trouve que c’est bien mieux aujourd’hui. »


À RETENIR

Pour toucher des publics différents, le journalisme peut aussi se développer sous forme de livre. Un autre type de travail, dans un monde que l’on peut souvent relier à la politique et à l’histoire. Le journalisme sportif a aussi beaucoup changé ces dernières années, avec l’apparition des nouvelles technologies et le poids toujours plus important de l’argent.


Valentin Jamin