Kamel Daoud était l'invité d'honneur du Salon du livre du journalisme
« Le journalisme a été un palliatif. » Photo : Clément Buzalka

Retrouvez l’essentiel de la rencontre avec Kamel Daoud, invité d’honneur du salon du livre du journalisme, pour Zabor ou les psaumes (2017) éditions Actes Sud.

Animée par Patricia Martin, journaliste à France Inter.


LES ENJEUX

Dans Zabor ou les psaumes, Kamel Daoud voulait défendre la nécessité de la lecture et de l’écriture, un droit précaire. Rien n’est acquis, il voulait le rappeler. La culture est ce que l’on connaît sur l’autre. Il y a une misère culturelle dans le monde arabe dû aux égoïsmes des « institutions culturelles occidentales », comme le dit l’auteur. Il raconte également l’aventure de la langue, un thème qui lui est cher.


CE QU’IL A DIT

Kamel Daoud : « Je suis un prêcheur contre l’indolence du monde, témoin de mon époque. À défaut d’avoir les moyens de changer mon monde, je témoigne pour ce qui doit être changé, c’est le moins que je puisse faire. Quand j’écris, je dois trouver l’équilibre entre la prudence et le témoignage. Je suis raisonnable quand je n’écris pas. Je suis toujours surpris par l’importance que l’on donne à ce que j’écris. Je ne suis pas le premier à le dire. J’écris sur des choses qui vont poser problème car c’est la fonction de l’intellectuel. Le courage c’est pour le cinéma, écrire c’est gérer la peur.


Le journalisme a été un palliatif. Je voulais être écrivain mais, en Algérie, on ne peut pas vivre de l’écriture. Le journalisme c’est ma vocation mise en sursis. J’ai commencé à travaillé pour le Quotidien d’Oran en 1994, en pleine guerre civile algérienne. Il y a quelque chose de cynique. Les guerres enfantent les talents. La guerre civile algérienne a accouché beaucoup de talents, vivants, morts ou exilés. On écrit parce que chaque jour est la dernière phrase. C’est pour cela qu’il y a une justesse des écrivains nés pendant la guerre.

Le premier Français vivant je l’ai vu à 22 ans. Les autres étaient tous morts ou déjà partis. Je lui parlais comme un livre. Le français est une écriture naturelle mais pas une langue orale naturelle. Toute la vocation de la langue c’est de prétendre dire l’infini alors qu’elle est finie, 26 lettres et quelques voyelles. La langue est sacrée, pas les livres mais tout livre se veut comme tel. C’est tellement beau que même dieu n’a pas résisté. Il a écrit quatre ou cinq ouvrages. L’avantage d’un roman c’est qu’il n’a pas de passeport. C’est vous, démultiplié à l’infini. Il est nécessaire d’avoir une rapport pervers à la langue pour avoir du style. Sinon cela s’appelle la grammaire. »


À RETENIR

La culture n’est pas un accessoire mais une nécessité. Si belle et si fragile. Elle est prise en otage dans le monde arabe, même si le développement d’internet a libéré beaucoup de choses. Kamel Daoud aime le dire : les livres l’ont sauvé. Il est important que les livres soient partagés, traduits massivement dans tous les pays du monde. Pour qu’ils soient immortels. Lire, traduire, écrire, échanger est ce que l’on peut faire de mieux.

 

Alizée Touami