Retrouvez l’essentiel de la conférence «Les rédactions doivent-elles être à l’image de la société ?».

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De gauche à droite, Catherine Puiseux-Kakpo, Marc Epstein, Dominique Gerbaud, Widad Kefti et Florian Bardou. (Photo: V.Gay)

Avec Florian Bardou (journaliste pigiste, représentant de l’Association des Journalistes LGBT – AJL-), Marc Epstein (président de la Chance aux Concours, rédacteur en chef du service monde de l’Express), Widad Ketfi (journaliste, pigiste au Bondy Blog), Catherine Puiseux-Kakpo (présidente du Comité diversité du groupe TF1). Animé par Dominique Gerbaud (fondateur de Médias et Diversité, ex-rédacteur en chef de La Croix, ex-rédacteur en chef adjoint de la Nouvelle-République du Centre-Ouest, ex-président de Reporters sans frontières). Mercredi 9 mars de 16h00 à 17h45.

LES ENJEUX  

« On a aujourd’hui une télévision d’hommes blancs de plus de 50 ans », déclarait récemment Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions. En France, les journalistes ne semblent pas représentatifs de la société. Si le métier de journaliste se féminise, la question autour des journalistes issus de la diversité, handicapés ou de la communauté LGBT reste une véritable question. Peu présents dans les rédactions, ils sont presque absents des instances dirigeantes des organes de presse.

CE QU’ILS ONT DIT

Widad Ketfi (journaliste, pigiste au Bondy Blog) : « Les médias et les citoyens doivent faire très attention aux termes qu’ils emploient. On peut dire « noir », « arabe », ce ne sont pas des gros mots. En revanche, il ne faut pas utiliser des termes comme « beur », « beurette » ou « black ». C’est comme si l’on disait « blancos », ce sont des dérivés qui ne sont pas acceptables aujourd’hui. Au-delà des termes, il faut que les médias repensent le traitement de certains sujets. En renvoyant une image très souvent négative des noirs et des arabes à la télé, on impacte la société en montrant un miroir déformant. »

Florian Bardou (journaliste pigiste, représentant de l’Association des Journalistes LGBT – AJL-) : « Les rédactions reproduisent les mécanismes d’inégalité, elles ne représentent pas la société. On doit libérer la parole au sein des rédactions. Les personnes homosexuelles, transgenres, on ne les voit pas, ou très rarement au sein des rédactions. Leur présence aurait un impact sur le traitement médiatique de ces sujets là. Certains pourraient même apporter une forme d’expertise sur certains sujets. Dans les entreprises, les personnes LGBT souffrent de pressions, ont peur de faire face à des discriminations. Il faut lutter contre les stéréotypes, faire très attention aux terminologies. Il y a urgence. »

Marc Epstein (président de la Chance aux concours, rédacteur en chef du service monde de l’Express) : « La Chance au concours est une association qui a été créée il y a près de dix ans par des étudiants du CFJ. Nous préparons les jeunes aux concours d’entrée dans les écoles de journalisme. La seule condition pour bénéficier de cette prépa est d’être boursier. Aujourd’hui, 2 étudiants sur 3 ayant bénéficié de la Chance aux Concours réussissent l’un des 14 concours des écoles de journalisme reconnues. 85 % de nos anciens étudiants sont aujourd’hui journalistes. Nous voulons faire comprendre aux jeunes que dans le journalisme, il y a de la place pour tout le monde. »

Catherine Puiseux-Kakpo (présidente du Comité diversité du groupe TF1) : « À TF1, on a aujourd’hui une dizaine de personnes perçues comme « non blanches », ce qui est très peu. Le choc des émeutes de 2005 a été une véritable prise de conscience. On s’est aperçu que les journalistes avaient une culture trop uniforme. Alors, au sein de nos rédactions, on fait des formations depuis sept ans pour sensibiliser à la diversité dans les contenus, à la représentation de la diversité sur nos antennes pour déconstruire les stéréotypes. Aucun d’entre nous n’est exempt de stéréotypes. »

Dominique Gerbaud (fondateur de Médias et Diversité, ex-rédacteur en chef de La Croix, ex-rédacteur en chef adjoint de la Nouvelle-République du Centre-Ouest, ex-président de Reporters sans frontières) : « S’il y a un trop grand décalage entre les rédactions et la société, il y aura un fossé entre le produit des journalistes et les attentes des citoyens. Plus une rédaction est diverse, plus elle saura sentir les attentes de la société et meilleurs seront les journaux. Être divers, être différent, cela n’empêche pas une rédaction d’être homogène sur le projet rédactionnel. Et plus il y aura de journalistes de la diversité, mieux se fera l’intégration de jeunes qui pourront se dire que le métier de journaliste est peut-être fait pour eux. »

A RETENIR

Les écoles de journalisme sont souvent pointées du doigt comme étant discriminantes, notamment à cause de concours qui favoriseraient un certain pan de la population. Pour éviter cela, des dispositifs pour préparer aux concours ont été mis en place, visant notamment les classes sociales les moins favorisées (Association La chance aux concours, Association Médias et Diversité à Tours, Prépa égalité des chances pour l’ESJ Lille en coopération avec le Bondy Blog). Des dispositifs d’alternance sont aussi proposés pour que l’aspect financier ne soit pas un frein. Mais au-delà même du recrutement ou de la formation de journalistes, c’est une vision de la diversité dans son ensemble qui est encore à construire. 

Chloé MARRIAULT