Retrouver l’essentiel de la conférence «Actualité internationale, la nécessité de l’information citoyenne».

De gauche à droite : Thierry Borde, Julien Pain, Rafika Bendermel, Garance Le Caisne, Rajaa Aboudagga et Youcef Seddik. (Flora Battesti)

De gauche à droite : Thierry Borde, Julien Pain, Rafika Bendermel, Garance Le Caisne, Rajaa Aboudagga et Youcef Seddik. Photo : Flora Battesti

Avec Thierry Borde (fondateur de MédiasCitoyens), Rajaa Aboudagga (journaliste, ancien correspondant à Gaza), Rafika Bendermel (journaliste, fondatrice du Tunisie Bondy Blog), Garance Le Caisne (journaliste indépendante, auteure d’Opération César, au cœur de la machine de mort syrienne), Julien Pain (rédacteur en chef et créateur de Observateurs, France 24) et Youcef Seddik (journaliste, directeur du Centre de Presse d’Alep).

LES ENJEUX

Dans les zones de conflits et de tensions, la transmission de l’information est difficile. Des citoyens, qu’ils soient journalistes ou non, se battent pour produire de l’information malgré les situations difficiles. Comment les populations locales sont informées lorsqu’il n’y a pas de journalistes sur place ?

CE QU’ILS ONT DIT

Thierry Borde : « Je ne suis pas du tout spécialiste de la Syrie et j’entendais qu’on avait le choix entre un méchant Al-Assad et des très méchants groupes armés. Puis, j’ai appris qu’il y avait un Alep libre et des citoyens qui se regroupaient pour informer. Dans nos médias français, il est possible que nous passions à côté d’un certain nombre de choses. Les citoyens permettent de nous donner accès à des informations que l’on n’auraient jamais eues ».

Rajaa Aboudagga : « Toutes les agences du monde ont un correspondant à Gaza. Il y a une vraie concurrence et c’est difficile de construire une information fiable. En étant palestinien, il était essentiel de se comporter comme un journaliste traditionnel car il fallait adapter ses mots en fonction du média auquel on voulait transmettre l’information. Ce n’est pas la même chose si on s’adresse à Al-Jazeera ou à un journal européen ».

Rafika Bendermel : « Si les blogueurs ont émergé en Tunisie c’est parce qu’il y a une vrai censure. Quand il y a eu les événements, pendant et après la révolution, les journalistes classiques étaient perdus. A contrario, il y avait beaucoup d’informations sur Facebook. Ces citoyens se sont formés avec nos médias communautaires et associatifs car ils avaient une réelle volonté de rendre compte de leur vie quotidienne. Des vocations se sont créées ».

Garance Le Caisne : « On a été inondé de cadavres syriens et on a voulu pousser ce conflit au loin. On s’est mis à oublier les civils, car on voulait oublier ces images. Ca s’est retourné contre ces citoyens qui nous informaient des conflits. Aujourd’hui, ils ne sont plus seulement dans une dénonciation des crimes, mais par exemple ils nous informent sur leur vie quotidienne et les tentatives de reconstruction ».

Julien Pain : « Lorsque l’on travaille avec des amateurs, il faut vérifier si l’information transmise est exacte. C’est une collaboration quotidienne entre ces personnes qui prennent des risques et les journalistes à Paris qui vérifient. Il faut éviter les risques de manipulation. Par exemple en Syrie, outre la propagande de Bachar Al-Assad, il y a certains groupes armés qui contrôlent l’information. Il est difficile pour les citoyens de ne pas être manipulés ».

Youcef Seddik : « En Syrie il y a 5 ans, il y a eu la révolution populaire. On a vu l’émergence de journalistes citoyens qui essayaient de rapporter ce qui se passaient sur place dans le monde entier. La plupart sont des étudiants, des citoyens ordinaires qui filment avec leur portable. Lors de l’été 2012, de nombreuses régions ont été libérées du régime syrien. Ces journalistes citoyens ont pu se rencontrer, former des clubs et de réseaux. Il sont 70 à s’être retrouvés pour créer le Centre de Presse d’Alep, pour pallier la carence d’information de cette région pour le monde. En même temps, ils se sont formés et ont développé des méthodes pour écrire et transmettre l’information ».

CE QU’IL FAUT RETENIR

L’information citoyenne est essentielle dans les zones de conflits, où les journalistes n’ont plus accès. C’est un acte de résistance dangereux, car ces citoyens risquent de nombreuses représailles de la part des autorités. Leur but est de faire savoir ce qu’il se passe à la population locale mais aussi au monde entier. Progressivement, ils sont parvenus à s’approprier les codes du journalisme et parfois à devenir correspondant pour des agences de presse. Pourtant, il faut faire attention à cette information citoyenne qui peut être manipulée par la propagande du pouvoir. Les médias qui les relayent sont tenus de vérifier les faits. A Gaza, il y a ainsi de nombreux correspondants sur place mais il reste très difficile de trouver une information qui ne soit pas biaisée.

Flora BATTESTI