Grégory : La machination familiale
Les journalistes se sont-ils trop impliqués dans l’affaire Grégory ? Photo : Clara Gaillot

Retrouvez l’essentiel de la rencontre avec Patricia Tourancheau pour Grégory : la machination familiale (2018) aux Éditions du Seuil.

Animée par Dominique Gerbaud, journaliste.

LES ENJEUX

Trente-trois ans après, l’affaire Grégory pose encore question. Dans les années quatre-vingts, la mort de cet enfant a déchaîné les passions tant sur le plan judiciaire que médiatique. Dans Grégory : la machination familiale, Patricia Tourancheau, journaliste à Libération raconte l’implication des journalistes dans cette affaire et leurs dérives.

CE QU’ILS ONT DIT

Dominique Gerbaud : « Trente-trois ans après, on ne connaît pas la vérité formelle. On peut avoir de fortes présomptions mais la justice n’a pas véritablement tranché. Le livre met en évidence tout ce que la presse ne doit pas faire. Les journalistes ont pris position et ont alimenté la polémique. On réfléchit au journalisme utile en ce moment, dans ce cas là il a été particulièrement néfaste. »

Patricia Tourancheau « Les médias dérapaient de tous les côtés. Les journalistes ont révélé des informations biaisées. Jean-Michel Bezzina de RTL dit après avoir rencontré Christine Villemin : “J’ai vu la mère et je me suis dit que c’était elle, elle avait l’air d’un zombie.” Puis au capitaine de gendarmerie : “Je parie une bouteille de champagne que tu vas découvrir que c’est la coupable.” »

« Laurence Lacour, une consoeur, a réalisé une enquête fouillée. C’était son premier fait divers. Depuis elle a arrêté le métier. Reparler de cette histoire lui donne des cauchemars. »

« Au moment de l’assassinat de Laroche par Villemin, certains journalistes ont pris conscience qu’ils avaient peut-être armé le bras de Villemin »

« La presse a fabriqué la mère infanticide. Paris Match a titré “le monstre de la Vologne ». » Marguerite Duras a écrit un papier pour Libération dans lequel elle a pris position en disant : « Je le sens. Ce crime a existé, cette mère est coupable. » Aujourd’hui on la dédouane encore en justifiant un délire d’écrivain, mais toute une rédaction a donné son accord pour publier ces trois pages. Avant d’être un délire médiatique, c’est un fiasco judiciaire. »

À RETENIR

L’affaire Grégory crée encore le débat aujourd’hui. Patricia Tourancheau explique que si Jean-Marie Bezzina est mort, sa femme continue de soutenir que Christine Villemin, la mère de Grégory, est la réelle coupable, sur les réseaux sociaux notamment. Dominique Gerbaud conclut en posant la question : « Est-ce que les journalistes payent des dysfonctionnements de la justice et de sa volonté de révéler peu d’informations ? ». La journaliste et auteure affirme que ce n’est pas mieux aujourd’hui et qu’il faut avoir des contacts sans se contenter de la parole du procureur.

 

Emma Gouaille