Découvrez l’essentiel de la conférence « Présidentielle : le règne des communicants ».

Journalistes et communicants, le même univers mais des rôles bien distincts. Photo : Martin Esposito

Animé par Aurore Gorius, journaliste pour le site lesJours.fr, avec Franck Louvrier, ancien conseiller en communication de Nicolas Sarkozy, Arnauld Champremier-Trigano, ancien conseiller en communication de Jean-Luc Mélenchon, Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, Elisabeth Pineau, journaliste pour Reuters et présidente de l’Association de la presse présidentielle (APP).

LES ENJEUX

Ils cohabitent dans le même univers mais ont des rôles complément opposés : communicants politiques et journalistes sont les acteurs incontournables des élections présidentielles. Les premiers mettent en scène, les seconds décryptent au rythme des sondages censés refléter l’opinion publique. Comment s’articulent les relations entre communicants, journalistes et sondeurs, à l’heure où l’opinion publique est si mouvante ? Quelle place pour le journalisme politique alors qu’Internet permet de relier directement les candidats et les électeurs ?

CE QU’ILS ONT DIT

Franck Louvrier : « En 2012, il n’y avait pas Facebook. Aujourd’hui, Il y a une diversité de métiers, différents spécialistes de la communication de campagne […] La communication, c’est rendre visible l’invisible et organiser les choses pour répondre rapidement. […] La nouvelle génération ne prend plus l’information au premier degré. »

Arnaud Chapremier-Trigano : « Aujourd’hui, on constate que le vote stratégique prend le pas sur le vote de conviction. »

Frédéric Dabi : « Le sondage n’est pas là pour donner le résultat au point près. Les sondeurs alimentent ce contresens. Il faut regarder les sondages comme un film et non pas comme une photo figée. Le sondage est une indication d’un rapport de force et non pas une prédiction. » 

Elisabeth Pineau : « Il faut chercher plus loin que les sondages. Aller voir les gens, vérifier et sourcer ce que l’on dit. Les journalistes sont mis au rang du système alors qu’on essaye de faire notre travail sérieusement. Face aux communicants, il faut garder son sens critique. Nous sommes là pour séparer le bon grain de l’ivraie. »

À RETENIR

Lors des campagnes présidentielles, tout est communication : meetings, déplacements, prises de paroles en direct… Cette année, la communication de crise de François Fillon est pourtant inédite : rarement un sujet n’avait autant saturé le débat public si proche de l’échéance présidentielle. Résultat : les débats de fonds en pâtissent.

Est-ce vraiment un scoop ? Le rôle du communicant en politique n’est pas de dire toute la vérité. Il met en musique la campagne de son candidat. Il doit trouver des éléments de langage percutants pour répondre en deux minutes à des questions complexes. Pourtant, le quinquennat Hollande fut assez particulier, puisque pour la première fois, le chef d’état a souvent souhaité s’exprimer directement aux journalistes, sans intermédiaire. Il y a dix ans seulement, les apparitions de Chirac à la télévision étaient exceptionnelles. Lors des émeutes de 2005, il a mis dix jours pour prendre la parole, devant 20 millions de téléspectateurs. Aujourd’hui, les canaux d’information ont changé et les politiques se doivent de répondre rapidement aux accusations pour ne pas laisser grandir la méfiance et pour limiter les commentaires. Pourtant, certaines vieilles méthodes ont toujours la côte chez les politiques : le terrain reste important, les livres politiques s’arrachent en librairie (et en supermarché), le tractage sur les marchés et le porte-à-porte sont eux indémodables. 

Inévitablement, le journaliste politique côtoie les communicants. Il doit donc veiller à respecter la séparation des deux univers et éviter le copinage. Pour certains journalistes, la ligne rouge est le tutoiement. Leur rôle est de donner matière à réflexion et dans ce contexte d »’infobésité » ils se doivent d’être rapides, de tout vérifier systématiquement (à la source si possible). Paradoxalement, l’explosion des réseaux sociaux pourrait renforcer l’importance du métier de journaliste qui se doit d’être une vigie, une garantie de fiabilité à l’heure des hoaxes et des fake news.

Colin Mourlevat