Vincent Jauvert, auteur des Intouchables d’Etat. Photo : Clara Gaillot.

Retrouvez ici l’essentiel de la rencontre avec Vincent Jauvert, auteur de Les intouchables d’Etat, bienvenue en Macronie aux Éditions Robert Laffont.

Animé par Alain-Georges Emonet.

LES ENJEUX 

Vincent Jauvert pose la problématique des hauts fonctionnaires d’État. Des personnes qui, parfois, entretiennent le flou entre leur position publique et leurs contacts privés, qui étudient les failles du système administratif afin d’en profiter une fois revenu dans une entreprise privée et qui réussissent à masquer les échecs de leur politique. L’auteur tente de sensibiliser à cette question importante qu’est la moralisation de la vie publique.

CE QU’IL A DIT 

Vincent Jauvert : « Je suis parti dans cette enquête avec l’idée d’en faire un livre. Les intouchables d’état sont ceux qui dirigent la France aujourd’hui : les hauts fonctionnaires, les grands corps gouvernants, les 15 premiers de l’État. Ces gens-là sont utiles car ils cèdent leur carnet d’adresses et connaissent les fragilités de la loi. Par exemple, Emmanuel Macron a été inspecteur des finances, Edouard Philippe a fait des aller-retours public-privé et Benjamin Griveaux a été lobbyiste pour une grande boîte privée. Cela pose question. Il y a des personnes politiques qui ont essayé de lutter contre ces grands corps, comme Mme Lebranchu.
Elles ont mené des batailles, comme essayer d’abolir le classement de l’ENA, mais les intouchables ne veulent pas. Ils se débrouillent pour que ces lois ne soient pas appliquées. Mme Lebranchu explique que ces gens-là sont plus puissants que les ministres.
J’ai rencontré la commission de déontologie de la fonction publique. Celle-ci dit qu’elle est incapable de faire son métier. Il n’y a que cinq personnes qui y travaillent. Il y a deux branches au Conseil d’État. On peut y entrer en sortant dans les majors de l’ENA et il y a le tour extérieur. C’est au bon vouloir du président de la République. Par exemple, Erik Orsenna, plume de M. Mitterrand est conseiller d’Etat. C’est une sorte de tradition pour les plumes de présidents. Ces gens-là sont à la fois conseillers juridiques du gouvernement et en même temps juges administratifs suprêmes. Ils ont donc un pouvoir implicite. Ces gens-là ne se retrouvent jamais au chômage, ils sont même promus. Même en cas de désastre politique.
Alain Juppé, par exemple, est considéré comme un homme très moral. Pourtant, il y a des petites choses gênantes. Il a décidé de prendre sa retraire d’inspecteur des finances à 59 ans car il pouvait bénéficier du cumul de sa retraite et de sa rémunération de patron de Bordeaux. Il a dit que ce n’était pas vrai parce qu’il l’a fait en douce. À sa place, on ferait tous pareil, même si ce n’est pas normal qu’il puisse le faire. Michel Sapin, lui, a dit au moins une fois dans sa vie « non ». En 1993, alors ministre des finances, il hésite à aller dans le privé, il fait le tour des grands cabinets. Il avait alors voté une loi sur la corruption, on lui demande d’expliquer les failles de sa loi pour que cette entreprise puisse en profiter. »

À RETENIR

Beaucoup de hauts fonctionnaires d’État profitent des failles qu’ils ont eux-mêmes participé à créer. Ils en font profiter des entreprises prêtes à beaucoup pour les accueillir après leur passage dans le public. Certains tentent de résister mais avouent parfois leur impuissance face à ce phénomène. Cela pose des questions morales, d’autant que le phénomène tend à s’amplifier, notamment depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron.

Théophile Pedrola