Retrouvez l’essentiel de la conférence : « La liberté d’expression face aux censures de demain ».

La liberté de la presse dans dix ans. Une problématique majeure qui inquiète déjà. Photo : Lucie Martin

 

En partenariat avec Reporters sans frontières (RSF). Animé par Dominique Gerbaud, journaliste, ancien président de Reporters sans frontières. Avec : Darline Cothière, directrice de la maison des Journalistes ; Christophe Deloire, directeur général de Reporters sans frontières ; Nicolas Vescovacci, journaliste indépendant membre du collectif « Informer n’est pas un délit » ; la Quadrature du net, association de défense des droits et des libertés des citoyens sur internet ; Gulsun Guvenli, enseignante en journalisme en Turquie.

LES ENJEUX

Entre Donald Trump, Poutine et bien d’autres, l’avenir de la liberté d’expression est incertain. Quels seront les pièges, les barrages, à la liberté d’expression dans dix ans ? Son évolution rapide selon les pays ne permet pas de se positionner de manière concrète sur ce que sera la liberté d’expression dans dix ans. Mais il reste important de débattre sur cette problématique importante pour lutter et résister ensemble contre les censeurs. Beaucoup de journalistes sont encore trop souvent menacés pour avoir user de leur droit à la liberté d’expression.

 

CE QU’ILS ONT DIT

Darline Cothière : « La maison des journalistes accueille tous les persécutés de la presse, venus de plus de soixante pays différents. Ce sont des journalistes qui ont dérangé le régime en place. Quand les journalistes ne sont pas tués, ils sont forcés à l’exil. La maison des journalistes, c’est un peu une forme de baromètre de la presse dans le monde. Ce n’est pas uniquement une maison refuge, les journalistes étrangers, qui y séjournent, peuvent, et doivent, continuer d’exercer leur métier en France. Ils offrent leur regard à la presse française et c’est vraiment un plus pour la profession. »

Christophe Deloire : « Les censures peuvent être de tout ordre : religieux, politique, social, économique, etc. Aujourd’hui, l’une des problèmes est que nombreux sont ceux qui utilisent la liberté d’expression aussi pour lutter contre le journalisme. Alors même que le combat contre le contrôle de l’information doit se faire plus important, il y a de moins en moins d’alliés. Pourtant, on ne viendra pas à bout des censures politiques, quelles qu’elles soient, sans une aide des gouvernements politiques. »

Nicolas Vescovacci : « Je vois dans la censure deux tendances qui, malheureusement, se rejoignent : l’expression de la verticalité du pouvoir et de l’horizontalité du pouvoir. Une censure, cela se passe très simplement, comme quelques coups de téléphones. La question aujourd’hui c’est : comment lutte-t-on contre la censure ? Car le problème est que pour le moment, un censeur ne craint absolument rien. Il n’y a pas de règles strictes dans la loi. Avec mon collectif, on lutte pour qu’une censure ne reste pas impunie. Et ce n’est pas simple car la justice ne nous aide pas beaucoup. »

Membre de la Quadrature du net : « Au niveau des techniques de censure, ce sont toujours les mêmes : intimidation, chantages, etc. Il ne faut pas perdre de vue qu’il y a un véritable problème d’accès à l’information. La protection la plus efficace contre la censure passe par les prises de conscience individuelles, collectives et sociales des problèmes de liberté d’expression. On a besoin que les citoyens se rassemblent pour mettre en place des systèmes de lutte collective qui nous permettront d’être plus forts. »

Gulsun Gevenli : « En Turquie, il y a plus de 150 journalistes en prison en ce moment. On a battu le record dans le monde, en 2016, avec l’emprisonnement de plus de 80 journalistes. Il y a 10 000 travailleurs au chômage dans le domaine de la presse. Et 102 sites internet sont interdits d’accès. Mais bien avant cette censure, qui est devenue très flagrante ces dernières années, le journalisme avait déjà perdu de son prestige en Turquie. Les jeunes savent maintenant que s’ils sont idéalistes, ils ne pourront pas faire ce métier. »

 

À RETENIR

Dans notre société actuelle, la liberté d’expression n’est toujours pas garantie. De nombreuses évolutions sont également encore attendues, notamment dans le domaine de la réglementation. Alors, même s’il est impossible de savoir ce qu’elle deviendra dans les dix prochaines années, il ne faut pas relâcher notre attention et continuer de lutter contre les censeurs de la liberté d’expression.

Yleanna Robert