Grâce à l’avènement de la téléphonie mobile en Afrique, les citoyens s’informent de plus en plus sur internet. Notamment au Maroc où les médias sur le web font désormais partie du paysage médiatique, à l’instar du site d’information le Desk. Son originalité ? L’investigation et l’indépendance.

Certains l’appellent le Mediapart marocain. Le Desk est un pure player né en 2015. Sur le fond, il se rapproche fortement du pure player français. Il a d’ailleurs convenu « d’un partenariat éditorial avec Mediapart », est-il écrit sur son site. Le Desk propose des contenus solides et des enquêtes approfondies sur des thématiques sensibles. C’est sur son modèle économique que le Desk se différencie : 50 % de ses revenus proviennent des abonnements, les 50 % restants de la publicité. Les annonceurs sont indispensables pour assurer sa pérennité. Mais ce n’est pas l’objectif que s’était fixé à l’origine Ali Amar, directeur de la publication et co-fondateur du Desk. Il souhaitait financer le site uniquement grâce aux abonnements. Mais l’année dernière, le Desk a failli mettre la clé sous la porte à cause de sa situation financière trop instable. « Pour remédier au problème il a fallu que nous taillions dans les effectifs. Nous sommes passés de 25 à 8 journalistes », regrette le directeur de la publication. Aujourd’hui, le média propose moins de contenus mais ils sont plus ciblés et plus approfondis.

Crédit : compte twitter @ledesk

 

Les fondateurs du Desk ont profité de l’émergence de divers facteurs pour se lancer dans cette aventure. Le premier et pas des moindres, l’accès à internet au Maroc. La 4G est présente quasiment partout et la fibre optique a su trouver sa place. L’utilisation du smartphone, elle, s’est considérablement généralisée ces dernières années. « Le Maroc est aussi le pays d’Afrique du Nord où le paiement en ligne est le plus sûr et le plus développé », note Ali Amar. Cet élément a été déterminant pour lancer le jeune site d’information.   

La question du financement des médias est étroitement liée au pouvoir.

Malheureusement au Maroc, lorsqu’on est un média indépendant à l’instar du Desk, il n’est pas toujours facile de trouver des annonceurs pour stabiliser son modèle économique. « La frilosité des annonceurs dans notre pays est un problème. Certes, notre ligne éditoriale plaît aux lecteurs mais elle ne plaît pas au régime », explique Ali Amar. Certains annonceurs ne souhaitent pas s’associer à un journal qui pourrait mettre en cause le pouvoir, de peur de gêner leurs affaires dans le pays. En parallèle, il existe tout de même des annonceurs de  multinationales qui font fi du positionnement politique des journaux. Ce sont généralement des entreprises comme des banques, des assurances ou encore dans le secteur de l’automobile. « C’est grâce à elles notamment que nous avons de la publicité. Nous comptons peu, voire pas du tout, de marques locales parmi nos annonceurs », détaille Ali Amar.  

Mais aujourd’hui au Maroc un paradoxe subsiste. Le pays est stable politiquement et se développe à grande vitesse, ce qui plaît aux investisseurs étrangers. Mais la liberté de la presse reste un sujet sensible. « Le Maroc était en avance sur ce point il y a à peine une vingtaine d’années. Au sortir de la dictature, il y avait une presse combattante. Mais les pouvoirs en place ont rapidement remis la main sur le champ médiatique, notamment via les annonceurs, observe Ali Amar. Aujourd’hui, il y a sur le web beaucoup de médias à consulter. Mais le nombre ne fait pas la diversité.» En plus de cette presse indépendante en plein essor, on retrouve aussi une presse qui soutient le régime. Ali Amar parle du cas du site 360, qui cherche à contrer des informations qui pourraient nuire à l’image du pouvoir. 

Pour assurer l’indépendance du Desk, il est impensable pour son fondateur que son site soit financé par de l’argent provenant du pouvoir. Alors pour atteindre son objectif initial, c’est-à-dire un financement qui ne repose que sur les abonnements, Ali Amar ne voit qu’une solution : la fidélisation d’un lectorat qu’il espère toujours plus nombreux.

Naïla Derroisné et Mathilde Errard.