Marc Capelle est l’ancien directeur de l’Ecole supérieure de journalisme (ESJ) de Lille. Il dirige actuellement l’ESJ PRO médias qui propose des formations continues. Selon lui, les écoles peuvent anticiper les outils de demain. Mais elles doivent surtout se concentrer sur la réalité professionnelle d’aujourd’hui.

Depuis septembre 2015, Marc Capelle dirige l’ESJ PRO médias. Photo : Marc Capelle

Dans un contexte où le métier de journaliste est en constante évolution, comment former les jeunes journalistes tout en sachant que les outils actuels risquent de devenir obsolètes ?
L’ESJ pro est là pour accompagner les rédactions dans leur bascule vers le numérique. Nous ne sommes pas là pour inventer les outils de demain. Si nous organisons des formations pour apprendre à faire un live sur Facebook, c’est parce que c’est un besoin actuel. Les médias doivent développer leur présence sur les réseaux sociaux, et particulièrement la couverture de sujet en live sur Facebook. Il faut apprendre à le faire correctement du point de vue technique mais aussi éditorial. Si dans cinq ans Facebook n’existe plus, il sera remplacé par autre chose. En formation initiale, on peut se dire que notre rôle est de suggérer de nouvelles pratiques, de faire évoluer les médias. C’est moins notre problématique en formation continue. Nous devons d’abord coller à la réalité des besoins de la profession aujourd’hui plutôt que de rêver ce qui va exister dans dix ans.

Avec la multiplication des nouveautés technologiques, comment faire le tri entre l’indispensable et le gadget ?
En formation continue, nous sommes là pour répondre aux demandes et aux besoins de nos clients. En général, ils savent ce qu’ils veulent, donc nous n’avons pas besoin de faire le tri. Cependant, il nous arrive d’envoyer des équipes dans des congrès nationaux ou internationaux pour anticiper sur ce que nous pourrions avoir à faire. Mais nous ne sommes pas non plus un centre de recherches.

Donc vous anticipez ?
Oui, nous avons une petite marge de manoeuvre. Mais il faut être réaliste, dans les écoles de journalisme, et dans les organismes de formation en continue, nous sommes là pour tenir compte de la réalité professionnelle d’aujourd’hui. On ne peut pas se dire dans dix ans ça sera comme ça, donc aujourd’hui on fait comme ça. C’est bien gentil, mais derrière il y a des jeunes diplômés qui doivent trouver un travail, non pas dans dix ans, mais maintenant. Il ne faut pas trop fantasmer sur la possibilité d’anticiper. Je ne dis pas qu’il ne faut pas anticiper mais ça ne doit pas être l’essentiel de l’activité d’une école.

Faut-il former un étudiant à s’adapter aux prochaines évolutions plutôt que de le former à un média en particulier ?
Certes, il y a des spécialisations de fin de cursus, mais les apprentis sont avant tout formés pour s’adapter aux demandes variées. C’est l’esprit global de la formation et aussi l’attente des employeurs. Il ne faut pas faire des outils une obsession. Ce qui est important, à fortiori dans un environnement de plus en plus bouffé par la technique, c’est de se former à être et à rester positionné comme journaliste et non pas comme technicien de l’information. Les outils, on finit toujours par les maitriser et s’y adapter. Aller chercher des informations, lever le nez de son écran, comprendre que c’est sur le terrain que ça se passe… Ça c’est essentiel.

Propos recueillis par Lénaïg Le Vaillant et Salomé Mesdesirs