Un comité d’éthique des médias d’information en France_Cred Laurent Théoret

(Photo: Laurent Théoret)

Chargé du projet de mission sur le Conseil déontologique de la presse, Emmanuel Hoog revient sur les différentes zones d’ombre autour des conseils déontologiques de la presse.  

La Feuille : En quoi consiste la mission que vous a confié le ministère de la Culture ?

Emmanuel Hoog : J’étais chargé d’évaluer les conditions de faisabilité d’un conseil déontologique de la presse en France. Ce rapport devait être remis au ministère de la Culture avant la fin janvier, mais le rendu a été décalé. Plus de 200 personnes ont été auditionnées d’octobre à janvier. Retranscrire et ressortir les grandes tendances de ces entretiens m’a pris plus de temps que prévu.

À quoi va servir ce rapport ?

E. H. : Le but de cette mission est de faire comprendre ce qu’est le Conseil déontologique de la presse. Il y a une grande méconnaissance et des opinions toutes faites autour de ce sujet. Il faut réussir à éclaircir ses fonctions, ses missions et ses spécificités en fonction de chaque pays. C’est aussi pour cette raison que je me suis entretenu avec les responsables des instances belge et suisse. Culturellement, ce sont les pays les plus proches du nôtre. Chacun doit comprendre les enjeux autour de cette instance qui fonctionne ailleurs.

Quel est le profil des personnes interviewées ?

E. H. : La plupart sont issues du monde journalistique. Ce sont des journalistes, des réacteurs, des éditeurs, des patrons de médias. J’ai aussi vu des représentants des formations politiques mais également des personnalités du monde des médias. Je n’ai pas interrogé de journalistes étrangers, mais j’ai pu échanger avec quelques responsables des instances d’autorégulation suisse et belge.

Quelles sont les fonctions de ces conseils ?

E. H. : Aucun conseil de presse n’a de pouvoirs de sanction, c’est quelque chose qui n’existe pas. Il rend des avis publics sur la base d’un certain nombre de plaintes. Certains conseils des médias ont pour mission principale de rendre des avis, d’autres sont des médiateurs et font des recommandations. Le rapport va expliquer des choses, c’est aux professionnels de le construire et de s’entendre sur son périmètre d’action.

Vers quel type de conseil (scandinaves, belges…) peut se rapprocher un éventuel conseil de presse en France ?

E. H. : C’est à la profession d’en décider. Moi je ne fais qu’un rapport pédagogique afin d’expliquer les positions de différents interlocuteurs. Quoi qu’il se passe, il y aura des spécificités propres à notre pays. La création de cette instance en France induit la modification d’un certain nombre de législations. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pourrait aussi être impacté par ce conseil déontologique.

Vous avez été missionné par l’État, et cela suscite beaucoup de critiques…

E. H. : Ce n’est pas parce que l’État me missionne qu’il jouera un rôle dans le futur conseil de presse. Son influence sera nulle. Il est tout de même légitime d’exprimer cette crainte. Reste que ce conseil ne peut pas être créé par l’État, ça n’a pas de sens juridique et historique. Dans le monde, aucun conseil n’a été créé par la loi. Cette dernière considère la liberté de l’information comme une liberté constitutionnelle. Les conseils de presse sont nés à l’initiative et créés par la profession, qui s’organisera elle-même.

De l’autre côté, un conseil uniquement composé de personnes issues du monde du journalisme inclut-il un risque de corporatisme ?

E. H. : Toutes les personnes qui se sont montrées favorables à un conseil de presse ont signifié qu’il fallait effectivement une représentation de la société civile dans la composition de cette instance. À l’étranger, la majorité des conseils de presse ont une gouvernance tripartite : éditeurs, journalistes et société civile. Il y a plusieurs formes de représentations de la société civile.

Ariel GUEZ et Camille MONTAGU