Panthéon du journalisme : découvrez les dix premiers noms

Jérôme Bouvier dévoile les dix premières personnalités retenues pour le panthéon du journalisme. Photo : Mathilde Lafargue/EPJT

Jérôme Bouvier, organisateur des Assises du Journalisme à Tours, a présenté les dix premiers noms qui incarnent les valeurs de la profession, à travers son panthéon du journalisme.

Ce mercredi après-midi, Jérôme Bouvier, le président de l’association Journalisme et Citoyenneté, qui organise les Assises du Journalisme à Tours, et le président du comité du prix Albert Londres, Hervé Brusini, ont révélé les dix premiers noms les plus cités en vue d’intégrer un panthéon du journalisme. « Nous avons assez peu de bagage historique sur notre profession, dans un moment de grande discussion sur qui est journaliste », a-t-il argumenté pour justifier le lancement de ce projet. « Le drame du journaliste, c’est l’ignorance de son histoire », déclare Hervé Brusini, qui veut y remédier. Pour y parvenir, Jérôme Bouvier a lancé une grande consultation sur le site journaliste.com où chacun pouvait choisir dix noms parmi une liste en contenant une cinquantaine, jusqu’à l’automne.

Voici les dix premiers noms :  Albert Londres, Albert Camus, Françoise Giroud, Emile Zola, Hubert Beuve-Méry, Joseph Kessel, Cabu, Louise Weiss, Pierre Lazareff et Theophraste Renaudot.

Ces personnalités ont été retenues parmi une cinquantaine de journalistes disparus. Pour poursuivre leur héritage, le panthéon est amené à s’agrandir chaque année avec l’entrée de deux nouveaux noms. En 2023, les Assises européennes du journalisme de Bruxelles seront aussi l’occasion de créer un panorama des journalistes qui continuent d’inspirer la profession à plus grande échelle, au sein de chaque pays de l’Union européenne.

 

Mathilde Lafargue (EPJT)

Assises 2023 : l’impact des grèves et des manifestations amoindri par l’anticipation des organisateurs

La 16e édition des Assises du Journalisme s’est ouverte à Tours en pleine mobilisation contre la réforme des retraites. Face à de possibles problèmes de transport, les organisateurs ont dû trouver des solutions en amont pour que chaque intervenant arrive à bon port.

La grève de la SNCF a empêché certains intervenants de venir mardi. La plupart ont cependant pu intervenir en visio.  (Photo : Edgar Zuniga Jr)

Deux événements se télescopaient ce mardi à Tours : la 10e journée de mobilisation contre la réforme des retraites et la 16e édition des Assises du Journalisme. Pour que cette dernière se déroule sans encombres, les organisateurs ont dû anticiper et sont assez satisfaits du résultat. « On est plutôt très bien au niveau de la fréquentation », explique Marie Jansen, l’une des organisatrices des Assises.

Ils ont travaillé de paire avec l’agence tourangelle « Corporate travel » pour gérer les billets de train des intervenants. Et pour ceux qui n’ont pas pu se déplacer, des visios ont été mises en place afin d’assurer au mieux le déroulement des diverses conférences. 

Il y a quand même eu des réajustements à faire dans la programmation, entre des changements d’intervenants, de modérateur, ou tout simplement une annulation. « Pour la conférence « Identifier les bonnes sources », une seule personne pouvait se déplacer et nous avons donc dû l’annuler », commente Eva Renaux, une autre des organisatrices de l’événement. Mais le plus dur semble passé, à écouter Marie Jansen : « Ça devrait aller mieux dans les prochains jours. »

Maylis YGRAND (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Violences faites aux femmes, le rôle des journalistes

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Violences faites aux femmes, le rôle des journalistes »
Photo : Lucas Turci/EPJT

Animé par Darline Cothière, directrice de la Maison des Journalistes (France), avec Ahlem Bousserwel, secrétaire générale de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), Kerim Bouzouita, docteur en anthropologie, chercheur spécialiste en médias et communication, Wafa Saleh, journaliste à Neswan Voices (Yémen).

Les enjeux

Vendredi après-midi, la parole était aux femmes. Dans les pays arabes, elles sont très peu représentées dans les contenus mais aussi dans les rédactions. Le cas du traitement médiatique des féminicides a également été évoqué.

Ce qu’ils ont dit

Wafa Saleh : « Avant la guerre au Yémen, les femmes n’avaient pas la parole dans les médias. Après la guerre, la situation a empiré. Il y a très peu de femmes journalistes. Nous avons été chassées de nos rédactions et nous devions rester à la maison. »

« Au Yémen, les femmes ne veulent pas témoigner par peur des autorités. »

« Pendant la guerre, les organes de presse yéménites ont exploité la souffrance des femmes pour incriminer les opposants. »

Ahlem Bousserwel : « Il y a eu du progrès en Tunisie, une prise de conscience. Mais on n’arrive pas à traiter convenablement les violences faites aux femmes. Ce n’était pas un bon sujet car cela fait mal à l’autorité patriarcale présente en haut du pouvoir. »

« La formation ne donne pas de réponses immédiates. Il faut un cycle réfléchi au sein d’une rédaction. Rien ne tolère de fermer les yeux sur les violences faites aux femmes. Il faut donner la parole aux femmes parce qu’elles parlent de leur soucis mieux que les autres. »

« En 2014, moins de 15 % de femmes étaient à la tête de médias. Il y a de nombreuses violences faites aux femmes journalistes. C’est le moment pour elles de s’organiser en tant que journalistes et en tant que femmes. »

Kerim Bouzouita : « Le traitement des violences faites aux femmes représentent moins de 1% des contenus. »

« Les raisons de ce traitement médiatique sont le modèle économique des médias privés qui cherchent le sensationnalisme, la position des journalistes qui sont avant tout des citoyens et la difficile marge de manœuvre de la société civile qui pourrait pousser à une régulation politique. »

À retenir

Ce débat a fait ressortir deux difficultés principales : être femme et être femme journaliste. Au Yémen, le travail de Wafa Saleh est largement entravé. En 2019, elle a participé à la création du réseau Neswan Voices pour diffuser des informations sur les réseaux sociaux pour mettre en lumière la situation des femmes yéménites. En Tunisie, les contenus qui parlent des femmes et qui leur donnent la parole sont encore très rares, ce que dénonce Ahlem Bousserwel.

Chloé Plisson (EPJT)

[INTERVIEW] Tenin Samake : «L’idée c’est de comprendre et surtout de découvrir les opinions des femmes»

Source : Womanager

Tenin Samake, rédactrice en chef et fondatrice malienne de Womanager, s’est rendue aux Assises de Tunis pour parler de son média et de son combat pour mettre en avant plus de femmes dans l’espace médiatique.

 Qu’en est-il de la situation des femmes au Mali actuellement ?

Tenin Samake. Si on compare à la situation d’il y a dix, vingt ou trente ans, il y a une évolution. Les choses ont considérablement changé. Ma mère m’a dit qu’à son époque, une fille de mon âge ne pouvait pas s’exprimer dans les médias. Alors que moi je le fais facilement, que ce soit à la télé ou à la radio. Cela montre à quel point les mentalités ont changé.

Il y a aussi des lois qui ont été votées pour les femmes, mais malheureusement, ces lois ne sont pas appliquées. Mais la lutte majeure que mènent les Maliennes de nos jours, c’est la lutte contre les violences basées sur le genre. Cela regroupe les mutilations génitales féminines, le harcèlement ou le féminicide.

Vous avez lancé un projet au Mali, WoManager. Pouvez-vous nous en parler ?

T. S. Il s’agit d’un média féminin et féministe dont je suis la fondatrice et la rédactrice en chef. Nous y abordons les questions d’émancipation et d’épanouissement de la femme. Au départ, c’était un blog sur lequel je parlais de femmes inspirantes quand j’avais 21 ans. Je parlais de ces femmes qu’on ne retrouvait pas dans les médias, mais qui au final font partie intégrante du Mali, de l’Afrique, et qui sont de vraies actrices du développement socio-économique et qui pouvaient servir également de modèle pour les filles plus jeunes. C’est là que j’ai compris l’urgence de les montrer dans un média indépendant.

A l’époque, je n’aurais pas pu me faire embaucher dans une rédaction classique. J’ai donc lancé le blog. Par la suite, c’est devenu un média à part entière, avec une équipe rédactionnelle complète. En plus de cela, on organise des programmes de renforcement de capacités pour les jeunes filles où elles sont formées aux médias, à la politique ou au digital. WoManager est vraiment une plateforme qui est là pour les femmes et pour les aider à être plus impactantes. Elles le sont déjà, mais ici elles apprennent à prendre plus de place au sein de la société.

Ce média met-il en avant uniquement des femmes maliennes ?

T. S. On donne la parole aux femmes de tous les pays. Il y a des Maliennes, des Togolaises, des Ivoiriennes et il y a même des Françaises. On donne la parole à plusieurs femmes et surtout à différents types de femmes. L’idée, c’est vraiment de comprendre et surtout de découvrir des opinions mais aussi de créer un espace inclusif.

Et quel message voulez-vous faire passer aux femmes ?

T. S. Il faut que les femmes sachent qu’elles sont importantes, qu’elles ont du pouvoir. Lorsqu’elles sont quelque part, elles doivent vraiment faire savoir qu’elles sont là. Elles ne doivent pas être timides, elles ne doivent pas se mettre en retrait ou rester à leur place. Mon message se résume en une phrase de Rokhaya Diallo : « Il ne faut absolument pas que les femmes restent à leur place. » Elles doivent sortir des sentiers battus, prendre le pouvoir et assumer qui elles sont réellement.

 

Recueilli par Shirine Ghaemmaghami /IHECS

Womanager

[LE RÉSUMÉ] Comment favoriser l’inclusion et la participation citoyenne en utilisant les médias numériques ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Comment favoriser l’inclusion et la participation citoyenne avec les médias numériques ? ».

Photo : Oujari Lamisse/ISIC

Animé par Inès Khelif, consultante (Erim, France) ; avec notamment Divina Frau-Meigs, titulaire de la chaire « Savoir Devenir » à l’Unesco ;  Mouna Trabelsi, présidente de l’Association tunisienne des médias associatifs (ATMA).

Les enjeux

Pour le projet Jamil.net (Jeunesse Active, Médias Inclusifs et Littératie numérique), l’heure est au premier bilan. Cette initiative a pour but de favoriser la participation citoyenne des jeunes tunisiens par le biais des médias. Certaines porteurs du projet, ainsi que des partenaires et des jeunes qui en ont bénéficié, se sont rassemblés pour parler de leurs expériences avec Jamil.net.

Ce qu’ils ont dit

Divina Frau-Meigs : « Les conditions sanitaires ont beaucoup compliqué les choses, mais nos équipes ont su rester efficaces et organisées, ce qu’il est important de souligner. »

Sara Manai (bénéficiaire du programme) : « J’ai vraiment pu développer des compétences et un esprit critique, dans un contexte où les fake news circulent de plus en plus. »

Nada Oueslati, coach en média et information : « Les avancées technologiques en termes de communication sont à la fois une bénédiction et une malédiction. L’environnement médiatique peut être très nocif pour ceux qui n’ont pas une certaine éducation aux médias. »

Riadh Ben Marzou, expert en communication : « Le marché de la publicité est très petit en Tunisie ; toutes les radios privées en souffrent. Diplômé en entreprenariat, je défends cette cause et, à travers Jamil.net, j’essaie de trouver des solutions qui mêlent l’aspect média, l’événementiel et l’aspect digital. Pour moi, c’est la seule issue pour essayer de sauver ces radios. »

Inès Khelif : « Jamil.net, c’est pas juste de l’insertion socio-professionnelle ou de l’éducation aux médias. C’est un programme qui permet à chacun de suivre son propre chemin. Que ce soit pour de l’information, de l’éducation ou avoir un cadre favorable au développement personnel. »

À retenir

Jamil.net est un projet transversal et pluridisciplinaire. Il ne se contente pas de proposer de l’éducation aux médias, il participe également au développement de nombreux projets personnels. Geek Girl Digital en est un excellent exemple : avec un tel accompagnement, sa fondatrice, Rahma Rejab, a pu rendre viable son idée d’entreprise de communication digitale, dans un contexte où il est difficile pour une femme, seule qui plus est, de se faire entendre.

Si l’on a parlé de « bilan » lors de la conférence, Jamil.net n’est pas fini pour autant. Ses membres espèrent pouvoir le faire perdurer jusqu’en 2025 mais ce qui est sûr, c’est qu’il est encore sur les rails jusqu’à la fin de l’année 2023.

Oujari Lamisse (ISIC), Victor Broisson (IHECS)

[LE RESUMÉ] Éduquer à l’information, ça s’apprend !

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Éduquer à l’information, ça s’apprend ! ».

Photo : Laure d’Almeida/EPJT

Animé par Étienne Récamier, auteur-conférencier en EMI, avec Khemais Bouali, directeur général et responsable des inspecteurs au ministère de l’Éducation (Tunisie), Bayan Tal, consultante en éducation aux médias et à l’information (Jordanie) et Divina Frau-Meigs, titulaire de la chaire Savoir Devenir à l’Unesco.

 

Les enjeux

L’Éducation aux médias et à l’information a pour objectif d’aider les citoyens à se repérer dans le flot d’informations et à comprendre comment travaillent les journalistes. Elle est un outil pour rapprocher les citoyens et les médias afin de réduire la défiance. Mais quelles sont concrètement les compétences à acquérir et comment les journalistes peuvent-ils les transmettre ? Plusieurs réponses existent et dépendent autant du public visé que des initiatives d’Éducation aux médias. 

Ce qu’ils ont dit

Khemais Bouali : « En Tunisie, nous visons à élaborer un guide d’éducation aux médias pour les élèves et les instituteurs en partenariat avec la Deutsche Welle Akademie. La Tunisie passe par des mutations sociales et politiques qui influencent l’environnement scolaire. L’élaboration d’un programme d’EMI est le meilleur moyen pour construire un vivre-ensemble.»

Bayan Tal : « En 2019, nous avons élaboré une stratégie nationale d’éducation aux médias en Jordanie. Le gouvernement l’a adopté comme priorité nationale. On met l’accent sur la déontologie en contrecarrant les discours de haine misogynes ou racistes. »

« Le rôle des enseignants est capital. Dans les pays arabes, l’éducation a reculé et l’éducation aux médias et à l’information peut être un moyen pour perfectionner l’enseignement. Elle permet de développer un esprit critique face au danger des populistes. »

Divina Frau-Meigs : « La compréhension des images est essentielle pour limiter les risques de désinformation. Dans l’éducation aux médias, on a une approche assez équilibrée entre les opportunités et les prises de risques. Les jeunes aiment bien faire ce rapport bénéfices/risques. »

« Le risque s’apprend. Il faut accompagner les jeunes dans les erreurs qu’ils peuvent faire sur les réseaux sociaux. Mais c’est surtout les enseignants qui doivent être rassurés quand ils abordent des sujets difficiles.»

À retenir

L’éducation aux médias, au-delà du rôle des journalistes, est en train de se faire une place dans les programmes scolaires. Les actions peuvent être menées de concert avec les enseignants et visent surtout à développer l’esprit critique des élèves et à leur apprendre à analyser les images qu’ils voient passer sur les réseaux sociaux. 

Laure d’Almeida (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Les journalistes, acteurs de l’éducation populaire

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les journalistes, acteurs de l’éducation populaire »
Photo : Laure d’Almeida/EPJT

Animé par Hicham Houdaifa, directeur de la collection Enquêtes au sein de la maison d’édition En toutes lettres (Maroc), avec Hamida El Bour, directrice de l’Institut de presse et de sciences de l’information (Ipsi, Tunisie), Françoise Kadri, adjointe au directeur Maghreb pour l’Agence France Presse (AFP, France), Syrine Attia, rédactrice en chef Tunisie Brut (France)

Les enjeux

Vendredi matin, les invités ont débattu de l’éducation aux médias et plus précisément du rôle du journalisme dans l’éducation populaire.

Ce qu’ils ont dit

Hamida El Bour : « Nous menons plusieurs projets à l’IPSI autour de l’éducation aux médias avec différents publics. Nos étudiants vont notamment à la rencontre des citoyens. »

« On a aussi un club d’éducation aux médias lancé par le journaliste Najeh Missaoui qui fait beaucoup d’activités dans les régions pour former les gens sur le fonctionnement des médias et lutter contre les fake news. »

« L’objectif, c’est le public. L’idée est d’en faire un public conscient, une sorte de cinquième pouvoir. »

Françoise Kadri : « Depuis 2010, plus de 230 journalistes de l’AFP et du groupe Le Monde participent au collectif Entre les lignes. On anime des ateliers dans les écoles pour expliquer aux jeunes la hiérarchisation de l’info ou encore le détournement des images. »

« On leur apprend dans les ateliers à développer leur esprit critique, savoir trouver les bonnes sources. Il ne faut pas être passif vis-à-vis de l’information, il faut aller la chercher. C’est ce qu’on essaye d’apprendre à ces enfants. »

Syrine Attia : « Chez Brut, nous tentons de renouer avec l’audience en investissant les réseaux sociaux et en produisant des contenus qui intéressent les jeunes mais qui ouvrent également le dialogue social. »

« Je pense que l’éducation populaire, c’est aussi valoriser les actions qui font partie de notre patrimoine et de notre culture à travers certains parcours de vie. En mettant en avant certaines initiatives, on met en lumière notre culture populaire. »

« L’idée de Brut n’était pas de dire que Facebook n’est pas capable de préserver la circulation d’une information fiable mais d’aller directement sur la plateforme en tant que journalistes pour proposer des informations vérifiées, Je pense que l’éducation populaire, c’est au-delà de l’éducation académique qui est très importante. »

À retenir

Via l’éducation aux médias, les journalistes participent à l’éducation populaire. Deux dimensions essentielles sont apparues au cours du débat : la formation des citoyens pour s’informer correctement mais aussi regagner la confiance du public en faisant du journalisme pour et avec eux.

Salma Sissi (IPSI) et Chloé Plisson (EPJT)

[LE RÉSUMÉ] Média Loves Tech : découvrez les start-ups qui veulent changer le journalisme en Tunisie

Retrouvez l’essentiel de l’atelier « Media Loves Tech : découvrez les start-ups qui veulent changer le journalisme en Tunisie »

Photo : Lucas Turci/EPJT

Animé par Benoît Faedo et Cyrine Ben Saad, responsable de la Deutsche Welle Akademie et du projet Media Loves Tech, avec les équipes d’Ast’Lab, Blue TN, Econo.brief, FLEN et Malek Khadhraoui, fondateur d’Inkyfada et directeur exécutif de l’ONG Al Khatt (Tunisie)

 

Les enjeux

Jeudi après-midi, les participants tunisiens du projet Media Loves Tech, organisé par la Deutsche Welle Akademie, ont présenté leurs médias ou outils innovants destinés aux journalistes. Ce projet a été mené en partenariat avec l’ONG Al Khatt qui lutte pour la liberté de la presse en Tunisie.

Ce qu’ils ont dit

Malek Khadhraoui : « La Tunisie manque de nouveaux projets innovants. Media Loves Tech a été l’occasion de mettre nos compétences aux services de start-ups. »

Makrem Dhifalli, chef du projet FLEN : « FLEN est une base de données intelligente pour les journalistes qui trient et regroupent des données juridiques, économiques, scientifiques ainsi que des cartes. »

Yémen Saibi, fondateur d’Econo.brief : « Econo.brief est une newsletter pour les professionnels de la finance qui résume l’actualité de la place de Tunis. Nous voulions créer une parenthèse face à l’avalanche d’informations. »

Mayssa Sandli, fondatrice de Blue TN : « J’ai créé un média 100 % écologique et digital pour sensibiliser la population tunisienne à l’environnement. Nous utilisons des techniques de communication pour créer des contenus créatifs qui interpellent. »

Najla Trabelsi and Nouha Ben Lahbib fondatrices d’AST’Lab : « L’Art science technology lab propose de l’aide aux journalistes, professionnels de la communication et artistes pour produire des contenus créatifs et digitaux comme par exemple des vidéos en 360°. » 

À retenir

Media Loves Tech encourage le développement numérique des journalistes. Les participants à ce projet ont partagé leur avis sur cette expérience. En résumé : beaucoup de challenges, des deadlines à respecter mais à la fin des idées plus claires.

Chloé Plisson (EPJT)

[INTERVIEW] Tatiana Mossot : « C’est la violence et la capacité à la gérer qui fera toute la différence »

Photo : Lamisse Oujari /ISIC

Tatiana Mossot est une journaliste qui a travaillé dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. Elle est la fondatrice de Mama Project, organisme d’accompagnement et de formation de journalistes francophones.

Comment est né le projet ?

Tatiana Mossot L’idée pour nous était de pouvoir accompagner des confrères et des consœurs – mais plus particulièrement des consœurs – journalistes sur le continent africain.

La raison pour laquelle on a créé Mama project (@MamaprojectA), c’est parce qu’on s’est dit que la formation professionnelle qui était proposé ne correspondait pas forcément à ce qu’il se passait sur le terrain. Ayant été essentiellement journaliste de terrain en Côte d’ivoire et au Sénégal et ayant couvert quasiment toute l’Afrique subsaharienne, je voyais des manques et des besoins. J’ai été sollicitée par des confrères et des consœurs qui me demandaient de l’aide sur plusieurs domaines.

De mon côté, il y a des situations auxquelles j’avais été confrontée, des situations de stress, des situations sécuritaires et des situations de gestion de crise sur lesquelles je m’étais sentie un peu isolée. Si moi j’ai ressenti ça alors que je travaille pour un grand média international, qu’est-ce qu’il en est de mes confrères locaux ? On s’est dit qu’avec cette structure, on pouvait accompagner à notre niveau des groupes d’hommes et de femmes journalistes.

 Quel type d’accompagnement faites-vous ?

T.M. On aborde tous les domaines journalistiques : l’accompagnement technique mais aussi psychologique, l’accompagnement sur les réseaux et finalement un accompagnement de carrière.

Combien de personnes accompagnez-vous ?

T.M. Comme c’est notre première année d’exercice, on a réussi à accompagner une vingtaine de personnes sur des problématiques diverses, de la technique d’investigation ou des questions de harcèlement moral.

La situation est-elle de plus en plus difficile ? 

T.M. Avec les réseaux sociaux, et cette capacité de diffuser sur les supports numériques, les journalistes s’exposent beaucoup plus qu’avant. Avant, il fallait attendre que votre article soit paru dans un journal et vendu en kiosques. Aujourd’hui votre article peut sortir au bout de 3 heures en ligne, et donc les attaques vont être beaucoup plus rapides, beaucoup plus violentes et vont vous poursuivre même au-delà de la publication. On ne peut pas aujourd’hui ne pas protéger les journalistes qui travaillent dans le digital et le numérique, on se doit de les accompagner.

Quelle est la spécificité du harcèlement envers les journalistes ?

T.M. Le harcèlement contre le journaliste est forcément beaucoup plus public, et encore est-ce que c’est vrai ? Pas totalement. Si on prend le harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux, votre image va être exposée publiquement de la même manière qu’un journaliste qui sera harcelé suite à un travail qu’il a fait. Aujourd’hui, les mécanismes du cyber harcèlement sont identifiés par des spécialistes comme étant les mêmes partout. Maintenant, c’est la violence et la capacité à la gérer qui fera toute la différence. On a toujours du mal avec le harcèlement lui-même.

 

Recueilli par Océane Illunga /IHECS et Lamisse Oujari /ISIC

[LE RÉSUMÉ] Les journalistes face au cyberharcèlement : Quels outils ? Quelles stratégies ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Les journalistes face au cyberharcèlement : Quels outils ? Quelles stratégies ? ».

Photo : Lamisse Oujari /ISIC

Animé par Tatiana Mossot, journaliste et fondatrice de MaMaProject (Côte d’Ivoire) et Elodie Vialle, consultante pour PEN America (France).

 

Les enjeux

En 2020, l’Unesco a publié une enquête internationale à propos des violences en ligne contre les femmes journalistes. Les résultats indiquent que 73% d’entre elles y ont fait face dans l’exercice de leur métier. Pour 20% de celles-ci, il y a une connexion entre les violences en ligne et hors ligne. Le cyberharcèlement a donc un impact dans l’espace numérique, mais également dans la vie réelle.

Ce qu’elles ont dit

Elodie Vialle : « C’est un risque professionnel inhérent à la pratique journalistique et donc il y a une obligation pour les rédactions d’y faire quelque chose. (…) On leur demande de reconnaître ce qu’il se passe, d’évaluer le problème (…) et puis ensuite de discuter du protocole à suivre. »

Tatiana Mossot : « C’est un défi de réussir à garder des femmes dans la profession quand elles sont sujettes à des pressions aussi fortes. (…) Réussir à surmonter des pressions, des menaces, déjà pour les journalistes masculins, c’est difficile. Et chez une femme, la pression sociale va s’ajouter et elle va quitter le métier. »

« Ne pas prendre en compte ces menaces potentielles de cybersécurité et de harcèlement, ça a un impact sur la production. A partir du moment où vous avez un, deux, trois journalistes harcelés dans votre rédaction, ce sont des journalistes qui ne peuvent pas être productifs. (…) Ça touche donc à l’économie du média. S’il faut aujourd’hui convaincre les médias que c’est une question qu’ils doivent intégrer pleinement dans leur fonctionnement, c’est en leur parlant de leur portefeuille. »

À retenir

Le cyberharcèlement a un impact conséquent sur les femmes journalistes, les menant parfois à s’autocensurer et à disparaître de l’espace numérique. Pour contrer cette tendance, des associations s’organisent pour soutenir et accompagner les journalistes victimes de violences en ligne. PEN America a d’ailleurs mis en place un manuel de défense contre le cyberharcèlement, traduit en plusieurs langues, dont l’espagnol et le français. Différentes ressources sont actuellement disponibles sur https://onlineharassmentfieldmanual.pen.org/fr/ pour faire face au cyberharcèlement, pour soutenir une personne victime et pour s’informer sur les bonnes pratiques à avoir au sein des rédactions.

Shirine Ghaemmaghami (IHECS)

[LE RÉSUMÉ] Voici les gagnants des prix des Assises 2021

Photo : Romain Leloutre/EPJT

Les prix des Assises 2021 ont été remis ce jeudi 30 octobre par le journaliste Patrick Cohen, président du jury. Le magazine scientifique Epsiloon et la dessinatrice COCO ont notamment été récompensés.

 Les prix des Assises internationales du journalisme de Tours récompensent chaque année les publications des douze derniers mois qui interrogent le mieux le journalisme et éclairent la pratique du métier. Patrick Cohen, président du jury, a récompensé les différents journalistes et auteurs jeudi 30 octobre 2021.

Retrouvez tous les nommés aux différents prix ici.

Le Grand prix du journalisme Michèle Léridon 

Le grand prix du journalisme des Assises distingue la ou le journaliste, le média, le collectif ou l’action éditoriale qui a le mieux honoré les valeurs du journalisme lors de l’année écoulée. Le magazine scientifique Epsiloon remporte le prix.

Epsiloon, c’est une aventure menée par douze journalistes qui ont préféré quitter le journal autrefois référent mais aujourd’hui malmené Sciences & vie afin de créer un magazine d’information scientifique indépendant et rigoureux.

«Ce prix et cette reconnaissance de la profession ont une importance pour nous car si nous avons eu l’envie et l’énergie de relancer un magazine papier juste après le Covid et plus encore au XIXe siècle, c’est parce que l’on aime profondément notre métier et qu’on y croit », a déclaré Mathilde Fontez, corédactrice en cheffe d’Epsiloon

Le prix du livre du journalisme

La dessinatrice de presse COCO  est distinguée pour Dessiner encore, sa première bande dessinée, sortie en mars 2021, où elle raconte sa vie depuis l’attentat à Charlie Hebdo de janvier 2015.

« Je suis très heureuse. Mais pour être très honnête, j’ai toujours du mal à me réjouir car ce livre n’aurait jamais dû exister. Mais, finalement, il existe car il faut pouvoir raconter et témoigner pour que la mort n’ait pas le dernier mot. Moi j’ai choisi de me tourner vers le journalisme et le dessin. Ce livre c’est un livre sur la solitude, l’esprit d’équipe, l’esprit d’une rédaction mais surtout l’esprit Charlie qui était représenté par des gens formidables et engagés qui défendaient des valeurs fondamentales », a témoigné COCO, la voix tremblante.

Le prix Recherche 

Ce prix récompense le meilleur livre de recherche sur le journalisme et sa pratique. Il est remis par un collège de sept chercheurs. Marie-Noëlle Doutreix en est la grande gagnante avec son livre 2020, Wikipédia et l’actualité. Qualité de l’information et normes collaboratives d’un média en ligne. 

Le prix Enquête et reportage

Ce prix est remis par vingt-huit étudiants issus des quatorze écoles de journalisme reconnues par la CEJ (Conférence des écoles de journalisme) dont l’EPJT fait partie. Le documentaire de Marie Portolano « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste » sur le sexisme et la place des femmes dans le journalisme sportif a conquis les futurs journalistes.

« Ce qui me touche particulièrement c’est que ce sont des étudiants qui ont décerné le prix donc j’ai un peu l’impression de les avoir aidé », a souligné émue Marie Portolano. Guillaume Priou, coréalisateur du documentaire, a ajouté : « Si nous avons pu faire un peu avancer les choses, nous en sommes très fiers. »

 

[LE RÉSUMÉ] Le grand débat des Assises : conjuguer fin de mois et fin du monde

Photo : Romain Leloutre/EPJT

RETROUVEZ L’ESSENTIEL DE L’ÉVÉNEMENT « CONJUGUER FIN DE MOIS ET FIN DU MONDE »

Animé par Catherine Boullay, journaliste spécialiste des médias à L’Opinion, avec Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT ; Patrick Cohen, président du jury 2021, journaliste-présentateur sur France Culture et chroniqueur dans l’émission « C à vous » sur France 5 ; Valérie Masson-Delmotte, co-présidente du Giec.

LES ENJEUX

Les préoccupations sociales peuvent parfois s’opposer à celles liées au réchauffement climatique. Concilier justice sociale et écologique n’est pas une mince affaire. Des initiatives ont vu le jour comme celle portée par Nicolas Hulot et Laurent Berger. Ces derniers proposent un « pacte du pouvoir de vivre » pour lutter contre le dérèglement climatique tout en améliorant le quotidien des citoyens. Les trois intervenants apportent leur éclairage au débat public lié au pouvoir d’achat et à la défense de l’environnement.

CE QU’ILS ONT DIT

Laurent Berger : « Aucun sujet n’est superflu lorsque l’on veut traiter de la fin du monde et de la fin de mois. La principale erreur, c’est de les opposer. Il faut regarder les choses avec une ambition de transition écologique à hauteur de femmes et d’hommes. On peut de plus en plus porter l’idée que la transition écologique devra être une transition juste. Il faut socialement accompagner cette transition pour aider ceux qui seront le plus impactés. »

« Ces questions demandent du temps pour les traiter. Or, j’ai le sentiment que les journalistes ont de moins en moins de temps et de moyens pour faire ce travail. Quand les rapports du GIEC sortent, on en parle pendant deux jours. Mais on pourrait feuilletonner dessus pendant des semaines entières vu leur épaisseur. »

Patrick Cohen :  « La fin de mois et la fin du monde s’opposent en permanence dans l’actualité. C’est difficile de saisir les enjeux et de comprendre les bons scénarios à retenir vis-à-vis de l’actualité environnementale. »

« Heureusement, il n’y a plus de climatosceptiques qui le disent ouvertement. Là où il y a de la complexité, c’est sur le chemin à trouver pour lutter contre le réchauffement climatique. Or, nous sommes dans un paysage médiatique où la simplicité est bien plus utilisée. »

Valérie Masson-Delmotte : «  Quand je regarde le journal de 20H, il y a une forme de dissonance cognitive car on retrouve souvent des éléments contradictoires. Les enjeux du changement climatique ne sont plus niés mais on retrouve des discours d’inaction. Les journalistes ont de vraies difficultés à le comprendre. »
 
 

« Est-ce que les médias donnent suffisamment d’informations pour que les Français puissent comprendre ce qui pèsent ou non sur leur empreinte carbone ? Ce n’est pas le cas à mes yeux. Je ne suis pas sûr que les grands médias parviennent à créer des récits qui expliquent cela. Les chaînes d’informations cherchent ce qui est clivant et c’est très différent de ce qui constitue une information scientifique crédible et robuste. »

À RETENIR

Les trois acteurs du grand débat des Assises ont exprimé leurs positions respectives tout en mettant en avant l’intérêt des Français vis-à-vis des questions climatiques. Mais les solutions qui permettraient de lutter contre le réchauffement climatique tout en aidant les plus fragiles demeurent complexes. S’il n’y a pas de chemin univoque pour concilier ces objectifs, il apparaît néanmoins primordial que la classe journalistique s’empare de ces sujets en y consacrant plus de moyens techniques et économiques. L’actualité devrait être plus globalement traitée sous le prisme de l’écologie avec des reportages didactiques.

Alexis Gaucher

[INTERVIEW] Kathleen Grosset : « On ne punit pas, on émet un avis »

Présidente du Conseil de déontologie journalistique et de médiation, Kathleen Grosset insiste sur la nécessité et l’utilité de cet organe d’autorégulation indépendant pour les médias français.

Kathleen Grosset est arrivée à la tête du Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM) en début d’année 2021. Ancienne présidente de la Fédération française des agences de presse, elle a également été vice-présidente de la création de l’Observatoire de la déontologie et de l’information (ODI) de 2012 à 2020.

Le CDJM reste une instance peu connue du grand public. Concrètement quel est son rôle ?

C’est une association qui réunit des journalistes, des éditeurs, des agences de presse et des représentants du public. C’est un organe d’autorégulation. Toute personne peut nous saisir dès qu’il a l’impression d’avoir vu, lu ou entendu une faute déontologique dans un média français. Nous parlons bien de la déontologie, pas de ce qui relève de la loi. Pour ça, il y a les tribunaux. Le Conseil n’a pas à intervenir dans ce domaine. Nous examinons ensuite les requêtes et si nous les jugeons recevables, nous rendons un avis.

De 2012 à 2020, l’Observatoire de la déontologie de l’information réalisait aussi une mission similaire. Qu’apporte de plus le CDJM ?

L’observatoire permettait de comprendre les erreurs des journalistes et d’en faire un rapport annuel pour en tirer des conclusions très générales. En 2020, il  nous a semblé important de créer un conseil de presse comme il en existe dans beaucoup de pays. En France, il manquait la présence d’un organe indépendant, différent des médiateurs et des chartes qui existent déjà dans chaque média. Notre force, c’est notre indépendance. Nous ne subissons aucune pression et nous ne sommes pas un tribunal. On ne punit pas. On émet juste un avis. Il revient ensuite aux rédactions concernées de nous écouter et de prendre en compte ou non les fautes que nous avons pu constatées.

Quel bilan faites-vous après plus d’un an d’existence ?

Depuis sa création en 2020, nous avons reçu 450 saisines qui concernaient 200 actes journalistiques. Mais parmi toutes ces saisines, 70 % n’ont pas été retenues car nous avons estimé qu’elles ne portaient pas sur des fautes de déontologie mais plutôt sur des questions de lignes éditoriales ou de liberté d’expression sur lesquelles nous n’avons pas à rendre une décision. Au total, le conseil a rendu 40 avis dont seulement 40 % ont été jugés « fondés ». Pour nous, retenir une saisine ne veut pas forcément dire qu’il y a faute.

Comment réagissez-vous au fait que le Conseil ne fasse pas l’unanimité dans la profession ?

Je ne comprends pas que le conseil puisse faire autant débat. Sincèrement. Car nous sommes vraiment indépendants. Nous ne sommes pas là pour punir. Je pense qu’il vaut tout de même mieux avoir un organe d’autorégulation, qui intègre des journalistes et des citoyens plutôt qu’un organe gouvernemental qui rende des décisions coercitives.

Propos recueillis par Enzo Maubert

 

 

 

[LE RÉSUMÉ] Police et journalisme, après le rapport Delarue quelles avancées ?

Retrouvez l’essentiel de l’événement « Police et journalisme, après le rapport Delarue quelles avancées ? »

Photo : Romain Leloutre/EPJT

Animé par Loïc HERVOUET, journaliste, formateur pour l’ONG Actions Médias Francophones avec : le colonel Nicolas BENEVENT, directeur de la communication de la Gendarmerie Nationale ; Pierre-Henri BRANDET, directeur de la communication du ministère de l’Intérieur : Fabrice CASADEBAIG, conseiller spécial (DGMIC) du ministère de la Culture ; Jean-Marie DELARUE, conseiller d’Etat honoraire, président de la commission indépendante sur les relations entre les journalistes et forces de l’ordre ; Alain MORVAN, responsable CFDT Grand-Est ; Vincent LANIER, secrétaire général SNJ ; Emmanuel VIRE, secrétaire général SNJ-CGT.

LES ENJEUX

En pleine contestation de la loi « sécurité globale » le rapport Delarue voit le jour. Ce texte vise à l’amélioration des relations entre la presse et les agents de sécurité. À l’heure où les incidents avec les journalistes se multiplient et où les forces de l’ordre intègrent des services de communication de plus en plus hermétiques aux professionnels de la presse, comment pacifier la relation entre journalisme et police ?

CE QU’ILS ONT DIT

Pierre-Henri BRANDET : «  L’équilibre est difficile à trouver entre l’ordre public et le respect des libertés. La transformation du paysage médiatique mais aussi des manifestations, qui ont connu dans leur violence et leur structuration des bouleversements majeurs, ont considérablement modifié les stratégies de maintien de l’ordre. »

« Les forces de sécurité, surtout dans les situations de haute intensité, doivent pouvoir faire preuve de discernement pour faire la part des choses entre ceux qui exercent une activité de journaliste et les manifestants. »

Jean-Marie DELARUE : « Il faut des signes pour que les journalistes soient identifiables auprès des forces de l’ordre : une attestation d’employeur, faite sur un modèle à peu près uniforme par exemple. Car la carte de presse ne couvre pas toutes les situations d’emploi des journalistes. »

« Il importe au gouvernement de se saisir de l’état d’esprit des forces de sécurité. Le métier du maintien de l’ordre est un métier extrêmement difficile et aider à l’identification des journalistes est un moyen de les aider. Je n’impose pas les moyens mais j’invite les journalistes à travailler sur la question pour que les agressions cessent et que vous puissiez exercer votre métier en toute quiétude. »

Fabrice CASADEBAIG : « Une partie des journalistes n’ont pas nécessairement la carte de presse et une partie d’entre eux n’ont pas d’employeur non plus. Peut-être qu’il faudrait imaginer un système de déclaration, génératrice d’une attestation qui pourrait être présentée aux forces de l’ordre. »

Nicolas BENEVENT : « En tant qu’agent du service public, nous avons le devoir d’expliquer comment nous travaillons, d’où l’idée d’une formation en lien avec les médias. Le déploiement des caméras piétons a également commencé cet été, de même que celui des équipes de liaisons et formations qui ont vocation à guider, renseigner et échanger avec le public. »

Vincent LANIER : « Les journalistes sont devenus un problème. Maintenant, il va falloir présenter la carte de presse, un formulaire, une auto attestation, tout ça ressemble à une usine à gaz. On a recensé plus de 200 cas de journalistes qui ont été molestés ou empêchés de travailler par les forces de l’ordre et dans 99% des cas, ils étaient clairement identifiés comme journalistes, avec un dossard presse ou du matériel. Cela n’a pas empêché qu’ils soient matraqués. Pour moi, le problème il ne vient pas des journalistes. »

Emmanuel VIRE : « Nous avons en France une stratégie de maintien de l’ordre, matérialisée par le Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO) qui a profondément évolué, comme le phénomène des nasses par exemple. La situation, on la connaît : il est de plus en plus difficile pour n’importe quel citoyen de manifester. Ce que l’on veut, c’est que le SNMO soit réécrit le plus rapidement rapidement possible. »

Pavol SZALAI : « La France est deuxième en matière de violences sur les journalistes. Ce chiffre n’est pas digne d’un pays membre de l’Union européenne qui va bientôt présider le Conseil de l’Union. La France doit se montrer exemplaire. Les sanctions disciplinaires peinent par ailleurs à aboutir. Il faut aussi une réconciliation entre forces de l’ordre et journalistes mais il n’y a pas de réconciliation sans justice. »

Alain MORVAN :  « L’accès à l’information ne peut pas être conditionnable. Pour moi, restreindre l’accès à l’espace public est contradictoire avec le travail de journaliste. Aujourd’hui, le débat est de contrôler une profession qui a justement besoin de liberté. Il faudrait peut-être prévoir dans la loi des circonstances aggravantes pour compléter la protection juridique des journalistes.»

À RETENIR

La tension était palpable sur les conclusions tirées du rapport Delarue. Les solutions proposées sont jugées insuffisantes par Emmanuel Vire, Vincent Lanier et Pavol Szalai. Le point de crispation : l’identification des journalistes, considérée comme une restriction trop importante de la liberté de la presse mais aussi de l’accès à l’espace public. L’élaboration du Schéma national du maintien de l’ordre, rédigé par le ministère de l’Intérieur, a aussi été pointé du doigt à l’instar des gardes à vue abusives à l’œuvre dans les manifestations, notamment au moment de la dispersion des foules. Du côté des représentants de la police et de la gendarmerie, des progrès ont été, à contrario, soulignés comme la surveillance de l’activité des agents de sécurité ou le déploiement de nouvelles technologies. Une problématique cependant persiste : aucune statistique institutionnelle ne permet aujourd’hui de rendre compte de l’ampleur des violences perpétrées à l’encontre des journalistes mais aussi des suites judiciaires et des condamnations de leurs auteurs.

Anne-Charlotte Le Marec