Elle est au cœur d’une conférence des Assises, ce vendredi à 9h30. Et pourtant, la pratique du data journalisme reste encore méconnue du grand public, tandis que de nombreux journalistes y sont encore très rétifs. Pour ses défenseurs, il s’agit avant tout d’une nouvelle manière de faire du journalisme.

La dénomination vient de l’anglais « data journalism », littéralement le journalisme de données. Cette pratique journalistique consiste à exploiter des données grâce à des formats plus ou moins structurés, comme les tableurs. Si l’utilisation de statistiques publiques à des fins journalistiques remonte au XIXe siècle, l’essor du web au début des années 2000 a complètement chamboulé la pratique du data journalisme.

Commons Wikimedia/Duncan Webb

Photo : Commons Wikimedia/Duncan Webb

Le traitement des données, qui pouvait prendre des semaines entières auparavant, se fait désormais en quelques secondes à l’aide d’Internet. Facile d’utilisation et gratuit, le web devient rapidement une plateforme de travail pour le data journalisme. Celui-ci commence doucement à se développer, porté par des journalistes curieux qui veulent profiter du potentiel des nouveaux logiciels comme Google Sheets (pour faire des tableurs) ou Datawrapper et Infogram (pour faire des infographies).

La donnée au service de l’information

La pratique du data journalisme n’est pas une simple lubie de technophile. Elle apporte une réelle plus-value au journaliste. « Plutôt que de se baser sur des données que l’on nous fournit, le data journalisme va directement chercher la donnée et la traiter », explique Marie Coussin, data journaliste pour Ask Media. Après avoir traité des données, les angles et idées de sujets se multiplient. Des anomalies minimes peuvent apparaître et donner lieu à une enquête journalistique. Des scandales sont parfois dévoilés. L’année dernière, Le Monde a pu révéler que la banque suisse HSBC était au cœur d’un vaste réseau de fraudes fiscales grâce à l’énorme travail de data réalisé par plus de 150 journalistes. Ceux-ci ont analysé près de 59 000 fichiers bancaires. Plus récemment encore, en janvier, la BBC et BuzzFeed ont révélé un scandale de matchs truqués dans le tennis après avoir analysé les résultats de plus de 26 000 matchs.

Présent sur France 4 et YouTube, #DataGueule utilise les données pour traiter des sujets d'actualité.

Présent sur France 4 et YouTube, #DataGueule utilise les données pour traiter des sujets d’actualité.

Il s’agit donc avant tout d’un mode de pensée journalistique à intégrer. « Il ne faut pas avoir de préjugés sur la technologie et cela demande du temps », souligne Sylvain Lapoix, co-créateur de #DataGueule, une web série qui utilise le data journalisme pour informer. Pour ce data journaliste autodidacte, « ce double frein culturel et de temps est un obstacle à la démocratisation du data journalisme ». Le data journalisme a beau être défendu comme un « outil au service de la rigueur et de l’information » par ces défenseurs, il risque peut-être de rester marginal dans les prochaines années.

« Data reporters, quelle plus-value pour une rédaction ? », une conférence sur le data journalisme vendredi 11 mars de 9h30 à 11h. Avec Marie Coussin (data journaliste, Askmedia), Nicolas Kayser-Bril (fondateur de journalism++), Sylvain Lapoix (data journaliste et co-auteur de #Datagueule, France 4) et Cédric Rouquette (journaliste, fondateur de l’agence CReaFeed, directeur des études au CFJ Paris).