Informer dans les banlieues en Europe
Écouter les quartiers marginalisés : une nécessité pour les intégrer à la société. Photo : Malvina Raud.

Retrouvez l’essentiel de la conférence « Informer sur les banlieues en Europe ».

Animée par Nordine Nabili, président de la section Presse-Information à l’IHECS (Institut des hautes études des communications sociales – Bruxelles) et professeur à l’université de Cergy-Pontoise, avec Myriam Baele, journaliste RTBF spécialisée en enjeux urbains bruxellois (Belgique), Jean-François Dumont, secrétaire général adjoint de l’Association des journalistes professionnels (Belgique), Adrian Garcia-Landa, journaliste d’investigation franco-allemand print et concepteur de projets médias non-commerciaux (Allemagne), Marie-France Malonga, sociologue des médias, spécialiste de la représentation sociale et médiatique des minorités, Patricia Rafael Lage, journaliste espagnole freelance et professeure de journalisme à l’Université Carlos III de Madrid (Espagne).

LES ENJEUX

Que recouvre la banlieue en Europe ? Les réalités sont différentes en France, en Espagne, en Belgique ou en Allemagne… Pourtant, partout le même constat : les représentations qu’en donnent les médias sont très éloignées de la réalité et remplies de stéréotypes.

CE QU’ILS ONT DIT

Myriam Baele : « J’ai l’impression qu’on écoute mal, qu’on entend mal, qu’on relaye mal les informations qui viennent de ces quartiers. »

Jean-François Dumont : « La question qui se pose aujourd’hui aux journalistes c’est : comment est-ce que je parle, dans mon média, de cette réalité ? Ça questionne la représentation sociale et de la diversité dans la société. Il y a dans ces quartiers belges un mélange de personnes plus ou moins intégrées, avec une diversité ethnique, sociale, religieuse, sexuelle… Comment est-ce qu’on représente ou qu’on ne représente malheureusement pas cette diversité dans les médias ? »

Marie-France Malonga : « Pourquoi cette sous-représentation des quartiers difficiles dans les médias ? Il y a quatre explications à cela. Tout d’abord, la manière dont un journal choisit les sujets. Ensuite, les ressources financières. Faire un reportage de 30 000 signes, ça demande un temps et un investissement énorme, et souvent nous n’avons pas les ressources financières pour cela. Troisièmement, quand on regarde les structures des rédactions et la composition des équipes, il y a souvent une majorité de noms allemands. Ça rejoint les questions d’éducation : journaliste c’est un métier où il faut savoir écrire. Si la population immigrée n’a pas accès à l’éducation, c’est compliqué. Et dernière raison, la complexité du domaine social. C’est un domaine qui demande une expertise élevée mais qui est peu attrayant. »

Marie-France Malonga : « Les individus habitant dans les banlieues françaises sont des individus avant d’être des problèmes. Ils ont un travail, une famille, des rêves, des aspirations. Et ce n’est pas forcément ce qu’on voit dans les médias. Il y a un parallèle entre les quartiers et les thématiques anxiogènes : la drogue, la criminalité, la violence, la prison… On reste dans une image spectaculaire. Ce qui prédomine dans ces représentations c’est l’image du délinquant, de la personne qui est déviante, qui trouble l’ordre public. L’autre est une menace, il nous fait peur. »

Patricia Rafael Lage : « Un jour, mon rédacteur en chef m’a appelé en me disant  « il se passe quelque chose à Canada Real, est-ce que tu pourrais y aller ? « . J’ai dit d’accord mais je ne savais pas où c’était, je n’étais pas au courant de toute cette diversité, à quelques kilomètres de Madrid. »

À RETENIR

Si les quartiers marginalisés sont différents en Europe, ils représentent tous un défi pour les journalistes. Pour couvrir les banlieues sans tomber dans les stéréotypes, l’éducation et la réflexion sont importantes. Il faut prendre le temps de proposer des sujets qui ne marginalisent pas ces populations mais qui au contraire les intègrent à la société et les donnent à voir telles qu’elles sont réellement.

Anastasia Marcellin